lundi 14 août 2017

Marcus Gad - Vibrations Australes

Le 14 avril dernier est sorti le premier album de Marcus Gad & Tribe, Chanting, au roots aussi méditatif et spirituel qu’engagé, puisant dans les origines des musiques jamaïcaines autant que dans celles de son île natale, la Nouvelle-Calédonie. Comme un retour aux sources exprimé avec les profondeurs de l’âme. Laissez-vous guider par Marcus Gad dans ce voyage initiatique hors du commun.

Quel est ton âge et d’où viens-tu ?
J'ai 26 ans et je viens de Nouvelle-Calédonie, où j'ai toujours grandi et vécu, bien que j’ai passé pas mal de temps sur la route ces six dernières années. Marcus est mon prénom de naissance. Gad correspond au mois de novembre, ma tribu, une référence astrologique… 

Depuis quand écris-tu des chansons ? Comment en choisis-tu les thèmes ?
J'ai commencé à écrire à l'âge de 17 ans. J'ai différentes manières d'écrire et j'essaie de laisser mon inspiration la plus libre possible. Certaines arrivent d’un seul coup, comme une vision claire, avec paroles et mélodies. Pour d'autres, je prends le temps de traiter un thème avec militantisme, après y avoir réfléchi… Comme « Purify », qui dénonce le système agro-alimentaire, les mascarades du marché de la semence potagère et la destruction des sols à l’échelle planétaire.

De quels instruments joues-tu ?
Je compose principalement avec ma guitare. C'est le meilleur outil pour écrire à la maison et sur la route. Je connais les bases en piano, basse et percussions, juste assez pour mettre en forme mes idées... Pour l'arrangement final de mes compositions, c'est la magie de Tribe qui opère !

Quels sont les rythmes que tu affectionnes ?
J'écoute beaucoup de musiques traditionnelles, de tous les continents, notamment africaines et afro-descendantes. Les rythmes et chants traditionnels sont des références pour qui souhaite faire une musique consciente avec une fondation solide ! En Nouvelle-Calédonie, nous avons le tchap et le ae ae qui sont pratiqués lors des coutumes et cérémonies. Ils sont régulièrement adaptés au kaneka et au reggae, notamment avec l'utilisation du bwanjep, ce battoir à écorce traditionnel que nous entendons et que nous fabriquons dans le clip de « Life Is Precious ».

Ton premier album, Chanting, vient de sortir au mois d’avril, après deux projets courts, Soul Talk en 2015 et Purify en 2016. Quand as-tu senti que le moment était venu de faire un album ?
J'ai enregistré mes deux premiers EPs à Nouméa avec mon ami d'enfance Jun Vandange, dans un appartement qui, au fil des sessions, est devenu le Studio Gadda, qui contribue aujourd'hui grandement au développement de la musique locale. Ces deux EPs ont été très bien reçus chez nous et ont eu un impact jusqu'en métropole. Ça m'a d’ailleurs permis de venir en tournée ici… J'attendais depuis longtemps d'enregistrer ce premier album et je tenais à le faire en conditions live, ce que nous ne pouvions pas faire en Nouvelle-Calédonie… Après la première tournée en métropole avec Tribe, c'était le bon moment pour entrer en studio. D’autant plus que nous avons eu la chance d'enregistrer au Studio Davout à Paris, quelques semaines avant sa fermeture définitive ! 

Quel est ton souvenir le plus marquant de ces sessions au studio Davout ?
Nous avons eu l'honneur de recevoir la visite de Monsieur Ken Boothe en personne ! C'était une belle surprise et un grand moment pour nous tous. On lui a fait écouter « Keep Cool » et il a pris la vibe direct ! Il nous a donné quelques précieux conseils et nous avons eu droit un beau résumé de l'histoire du reggae et de tout le chemin parcouru…

Pour cet album, vous avez choisi de réaliser des prises live en 432Hz au lieu de l’habituel 440Hz. Etait-ce important pour le groupe ? 
On voulait enregistrer de la manière la plus vraie possible, à l'ancienne. Pouvoir mettre dans notre interprétation une intention que l'auditeur pourrait ressentir, que la Tribu soit ainsi bien vivante. Le choix de la fréquence vient aussi de cette volonté d’obtenir un son authentique et unique. Les fréquences font résonner les objets physiques, donc le corps humain, et, selon leur intensité, provoquent une résonance plus ou moins harmonieuse avec le corps. La quasi-totalité de la musique actuelle est enregistrée en 440Hz. Le corps y est habitué. Lorsqu’on écoute une autre fréquence, on ne le remarque pas forcément, mais le corps vibre différemment...

Comment présenterais-tu Chanting ?
C'est un premier album longuement médité. Un voyage à travers plusieurs univers qui explore différents rythmes, en gardant toujours une connexion à la Terre et aux racines. La scène française a pris un tournant moderne très influencé par la culture urbaine qui n'est pas vraiment la mienne… La vibration de Chanting vient des montagnes de la Kanaky dans le Pacifique sud, ce qui en fait un peu un ovni dans le paysage du reggae français…

Les chansons éponymes des deux EPs figurent également sur l’album. Pourquoi ce choix ?
Je suis conscient que de nombreuses personnes vont découvrir ma musique grâce à la sortie de ce premier album. Ces deux chansons sont des pierres angulaires de mon identité musicale. Comme je le disais, « Purify » contient un message que je tiens à faire passer et qu'il n'est pas vain de répéter aujourd'hui !

Comment est venue l’idée d’utiliser un texte de Marcus Garvey et de faire cette chanson « Keep Cool » ?
Je lisais la biographie de Garvey qui mentionnait brièvement que lors de son incarcération, à Atlanta en 1927, il a écrit un texte destiné à être mis en musique, intitulé « Keep Cool », hymne plein d'espoir adressé aux combattants de la cause noire. J'ai immédiatement pensé qu’il devait y avoir au moins une interprétation de cette unique chanson écrite par le Black Moses, mais je n’en ai trouvé aucune... A la première lecture des paroles, la mélodie est venue d’elle-même ! Le texte est chargé d'images fortes et rédigé avec une grande musicalité. La chanson était là, il ne restait qu'à la chanter… C’est un peu comme si j'avais trouvé un trésor !

« The Valley » est le deuxième single et clip issu de l’album. A-t-il été tourné en Nouvelle-Calédonie ?
Non, il a été tourné à La Réunion, lors de notre tournée avec Tribe en décembre 2016, et a été réalisé dans le même esprit que les précédents : donner à voir quelque chose de réel, en mettant le naturel au premier plan. Deux autres clips, tournés, eux, en Nouvelle Calédonie, sortiront bientôt…

Les concerts ont démarré juste après la sortie de Chanting. Comment ça se passe ?
On rend grâce ! Partager la musique sur scène est une expérience forte et enrichissante pour tous. C'est une bénédiction de pouvoir tourner en Europe, quand on vient de si loin ! Le plan de Jah est parfait et je remercie pour chaque instant passé à accomplir mon travail…

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #54 - juin/juillet 2017)

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