jeudi 30 novembre 2017

Straïka D - Interview

Parmi les artistes incontournables de la scène française, on ne présente plus Straika D, dont les débuts remontent à 1991 en Martinique. Après bon nombre de singles, de participation à des one riddims et des concerts incessants, Straika D vient de sortir Cœur de Feu, un nouvel album à écouter d’urgence, disponible sur toutes les plateformes de téléchargement. La flamme continue de brûler.

Voilà déjà plus de vingt-cinq ans que tu fais du reggae ! Que penses-tu de ton parcours ?
J’en suis plutôt satisfait. J’ai commencé assez jeune et je me rends compte qu’au fur à mesure j’ai avancé et progressé dans mon art. Je suis vraiment très satisfait de mon parcours dans l’ensemble.

Quels sont les souvenirs les plus marquants qui te viennent à l’esprit ?
Déjà, toute la période où j’ai débuté, en Martinique, les rencontres avec les pionniers du mouvement, comme MC Janik, Metal Sound… Je me souviens notamment d’un freestyle de Daddy Yod et MC Solaar alors que j’étais animateur radio ! Ce sont toutes ces rencontres-là qui m’ont donné envie de prendre ce chemin. Les sorties d’albums ont aussi été des moments marquants, comme celle de mon premier album Free D.O.M., en 2004… La première fois qu’un de mes morceaux est apparu sur une compilation, c’était en 1993 ! La musique m’a emmené assez loin. J’ai eu la chance de chanter en Afrique, notamment en Ethiopie, en Ouganda, au Sénégal… Ça fait partie des grands moments aussi.

As-tu une idée du nombre de chansons que tu as écrit depuis ?
Entre celles qui sont sorties et celles qui ne sont pas sorties, ça en fait tellement ! Plusieurs centaines, je dirais… J’ai écrit ma première chanson vers l’âge de 12 ans.

Ton nouvel album, Cœur de Feu, vient de sortir le 22 mai. Ce ne serait donc que ton deuxième album ?
Oui, on peut dire que c’est mon deuxième album solo, dans le sens où il a été travaillé avec un seul compositeur et pensé en tant qu’album. Je considère Hits 2 Hts comme un album, même si c’était une compilation de titres qui étaient déjà sortis en single avec quelques inédits. Sinon, il y a eu celui avec Matinda et Yaniss Odua, High Tunes.

Pourquoi s’est-il passé autant de temps entre Free D.O.M. et ce nouvel album ?
Etant donné que je suis assez productif en matière de singles et de mixtapes, je n’ai pas vraiment ressenti le besoin de me concentrer sur un projet perso avant, en fait. Au bout d’un moment vient l’envie de présenter quelque chose de différent. Travailler avec un seul compositeur sur douze titres permet aussi de pouvoir mettre en place un show live cohérent qui plaise au public.

Qui a composé les instrumentales ?
Hervé Castelnau, un compositeur de La Réunion que j’ai rencontré il y a trois ans. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à travailler sur l’album.

Au niveau des textes, quelles ont été tes sources d’inspiration ?
C’est un album un peu plus intimiste, où j’en dis davantage sur moi, où je parle de ce que j’ai vu et vécu… Par exemple, « I Love You » est une chanson que j’ai écrite pour mon fils. C’est un peu un cahier d’expériences vécues ces dernières années que je souhaite partager avec les gens. J’ai, en quelque sorte, voulu les exprimer en les posant sur la table et en leur donnant vie par la musique. Les enregistrements des voix ont eu lieu sur Paris, au Studio Tell Them, étalés sur deux à trois ans.

Pourquoi ce titre de Cœur de Feu ?
Cœur de Feu, parce que le reggae est une musique caribéenne, qui vient du cœur et du soleil. C’est une référence au soleil et à tout ce qu’il représente.

On retrouve des sons roots, du dancehall, du français, du créole… As-tu toujours autant envie de toucher à toute la diversité qui existe dans le reggae ?
Oui, ça me permet d’explorer et je ne vois pas me limiter à un seul style. Le reggae est mon univers mais j’ai toujours aimé le hip-hop aussi. Je fais les choses comme elles me viennent, naturellement…

Quelle évolution constates-tu entre Free D.O.M. et Cœur de Feu ?
C’est différent car la réalisation de l’album Free D.O.M. a été une école pour moi. C’est Tyrone Downie des Wailers qui avait réalisé cet album. Tout ce que j’ai appris, et le temps de mûrir tout ça, j’ai essayé de le mettre en pratique sur Cœur de Feu.

Plusieurs clips sont déjà sortis…
Oui, le premier a été « Nos Rêves », ensuite « Cratère » et « Ça vaut de l’or ». D’autres ont été tournés mais pas encore diffusés…

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
Je bosse sur de la production, je compose des riddims et enregistre des artistes. Il y a quelques sons qui vont sortir sur mon label Straikadisk prochainement. Je ne peux pas dire quand, mais ça avance !

Que penses-tu de l’évolution du reggae depuis que tu en écoutes ?
C’est une musique qui sait se renouveler et garder ses bases également. Il y a toujours une scène très vivante, aussi bien roots que dancehall. C’est un mouvement en perpétuelle progression, c’est ce qui le rend intéressant.

Et que penses-tu du public reggae ?
Je vois de plus en plus de supporters de la scène reggae, de plus en plus de festivals… Même si ce n’est pas une musique mainstream, il y a toujours des gens pour la soutenir, un phénomène de transmission existe… Il ne s’épuise pas et c’est plutôt motivant. Big up à vous !

Simba
(pour Reggae Vibes Magazine #56 - octobre/novembre 2017)

lundi 27 novembre 2017

Chronixx - Chronology (Zincfence)

Qui n’est pas tombé amoureux de la voix de Chronixx dès la première chanson entendue ?! On attendait avec impatience un premier album du chanteur, après une pelletée de singles plus que prometteurs pas prêts de tomber aux oubliettes, le terrible EP Dread and Terrible et quelques mixtapes ultra-convaincantes, dont Start A Fyah et Roots & Chalice. Depuis 2012, Chronixx nous a éblouis par ses talents vocaux, au point d’être vu comme le meilleur prétendant pour attiser la flamme du reggae à son plus haut niveau et marcher sur les pas de l’éternel Bob Marley… Il aura quand même fallu cinq ans pour voir arriver Chronology. Sorti en juillet, cet opus se devait de tenir toutes les promesses et les espoirs que porte la nouvelle génération du reggae. Lourde tâche, quoi qu’il en soit. Le titre de l’album est de circonstance – faut-il rappeler que Chronicle est son père ? Seize morceaux sont réunis ici, de cette patte reggae revival qui offre respectueusement un renouveau bien actuel au reggae roots. Avec des messages conscients, des réflexions sensées, des considérations rastas et des sentiments exprimés, le chanteur a conçu un album très riche. C’est ce qui rend nécessaire plusieurs écoutes pour pouvoir pleinement s’en imprégner. Rien de trop facile et prévisible, la musique se doit d’être travaillée soigneusement et cela se ressent chaque minute. Une fois qu’on s’est laissé prendre dans cette chronologie, les vibrations révèlent toutes leurs mesures. Le fond et la forme se rencontrent au sein des seize histoires que raconte celui qu’on appelait autrefois Little Chronicle. Un seul invité au micro, et il est on ne peut plus logique qu’il s’agisse de son paternel, sur l’excellent « Big Bad Sound ». Les singles « Majesty » et « Likes » sont déjà dans nos tablettes. Le premier album de Chronixx existe désormais dans l’histoire  et il est bon de se dire que ce n’est que le début !

Simba

Tracklist :
01. Spanish Town Rockin’
02. Big Bad Sound feat. Chronicle
03. Skankin’ Sweet
04. Ghetto Paradise
05. Country Boy
06. Smile Jamaica
07. I Can
08. Selassie Children
09. Black Is Beautiful
10. Majesty
11. Loneliness
12. Likes
13. Tell Me Now
14. Legend
15. Christina
16. I Know Love

dimanche 12 novembre 2017

Subajah - Architect (autoproduction)

Après le déjà beaucoup apprécié Voice Of Freedom EP en 2013, Subajah a conçu un premier album, Architect, sorti en mars dernier, qui mérite d’en parler à son voisin. Ce chanteur basé à Londres, pas encore très connu sur notre territoire – ce qui ne devrait pas tarder à changer avec un tel talent et un tel album – fait du deep roots, qui offre en grande quantité de l’âme et des vibrations. Le rythme de l’ensemble est celui du cœur et il n’y a rien de plus apaisant. Architect fait référence à la puissance divine, comme à celle de l’homme qui bâtit son propre univers depuis des millénaires. Le titre éponyme démarre et termine l’écoute pour boucler parfaitement la boucle de cette première pierre maîtresse exprimant en toute sensibilité l’univers de Subajah. Il y a de quoi réfléchir et méditer. Le roots est parfaitement honoré et on sent la sincérité avec laquelle l’artiste fait sa musique accompagné du Architects Band. Des invités jamaïcains, Lutan Fyah et Addis Pablo, et aussi africains, Meta Dia et Youssouf Diabate, le londonien Bongo Kanny, et, comme le veut la tradition, des pistes dub qui clôturent l’album dans les plus grandes hauteurs… Quel plaisir, les singles « Walls Of Babylon », « Hold You » et « Free Mindz » font aussi partie de la tracklist ! Avec tout ça, vous imaginez bien qu’il serait dommage de passer à côté de ce disque !

Simba

Tracklist :
01. Architect
02. Farmers
03. Good Morning
04. Africa Is Calling feat. Youssouf Diabate
05. Walls Of Babylon
06. Jah Garden
07. Along The Way feat. Lutan Fyah
08. Steady feat. Meta Dia
09. Hold You
10. Keep It Royal feat. Bongo Kanny
11. Win Or Loose
12.  Free Minds
13. Words
14. Jah Garden dub
15. Farmers dub
16. Walls Of dub
17. Architect dub feat. Addis Pablo

lundi 6 novembre 2017

Chinese Man - Shikantaza (Chinese Man Records)

Si on peut commencer à dresser la liste des albums essentiels sortis en 2017, celui de Chinese Man vient évidemment à l’esprit. Ce n’est pas pour rien que les français sont un phénomène. Shikantaza est le genre d’album qu’on écoute sur la durée, dont on ne peut s’empêcher de laisser tourner un morceau ou la totalité, et qu’on conseille sans arrêt à qui veut bien l’entendre. Pas un seul maillon faible dans ces seize pistes qui frôlent la perfection ! A les écouter, dans l’ordre ou le désordre, le plaisir est toujours aussi bon. Chinese Man sait comment mélanger les genres, l’ancien et le moderne, en obtenant un son toujours authentique, parfaitement ficelé, qui envoie du lourd. Reggae, hip-hop, électro, dub… se mêlent et s’emmêlent, en en prenant juste ce qu’il faut en fonction de la mixture, à faire oublier les limites de chaque genre. (Il faut dire que l’album est rangé dans le rayon électro chez bon nombre de disquaires…) C’est ce talent qui leur permet de toucher vraiment tous ces publics, des plus puristes aux éclectiques. Impossible de résister, les rythmes sont entraînants, les sonorités enivrantes, les voix et les flows convaincants, les thèmes éclairants, sans oublier les samples au poil et les compositions pointues… Le voyage que propose Chinese Man est intense et énigmatique, c’est bien pour ça qu’on y revient sans cesse, en explorer tous les recoins – avec de bonnes basses de préférence. Plusieurs clips révèlent aussi en images l’univers de Chinese Man, à visionner sur la Toile : « Shikantaza », « Liar », « Escape », « Golden Age »… Pour apprécier pleinement les sons, les visuels et toutes les vibrations qui existent dans le vortex de l’Homme Chinois, à voir sur scène absolument !

Simba

Tracklist :
01. Shikantaza  
02. Liar feat. Kendra Morris & Dillon Cooper
03. Maläd           
04. Step Back    
05. The New Crown feat. A-F-R-O, A.S.M & Taiwan MC
06. Escape         
07. Stone Cold feat. Mariama
08. Modern Slave feat. R.A. The Rugged Man
09. Warriors      
10. What You Need feat. Vinnie DeWayne, Myke Bogan & Tre Redeau
11. Wolf              
12. Blah! feat. Youthstar, Taiwan MC & Illaman
13. Golden Age               
14. L'Aurore      
15. Anvoyé        
16. Good Night

mercredi 1 novembre 2017

Nattali Rize "Rebel Frequency" (Baco Records)

Il est des albums qu’on sait pertinemment, avant même de les avoir entendus, qu’ils ne passeront pas inaperçus et qu’ils laisseront des traces indélébiles sur leur passage. Les écoutes répétées ne font que le confirmer, Rebel Frequency de Nattali Rize fait partie de cette catégorie. Déjà, on se réjouit d’une nouvelle voix féminine dans le paysage, avec une identité forte, aussi bien dans son timbre et ses sonorités, que dans les thématiques qui lui tiennent à cœur. Nattali Rize a des choses à dire et à partager, ça ne fait pas le moindre doute, et elle compte bien les faire passer à travers une mixture musicale à laquelle il est presque impossible de résister. Les douze pistes de l’album laissent une large place à ces considérations tournées vers l’humanité et l’essence même de l’évolution des consciences. Il suffit de parcourir les titres pour s’en rendre compte. Bien qu’il s’agisse du premier album solo de cet artiste d’origine australienne, on a le fond et la forme, avec des rythmiques majoritairement new-roots et roots-reggae, qui font vibrer les instruments, relevées de temps à autre par une note d’électro (« Rebel Frequency »), sans oublier une pointe de dancehall et de dub (« Heart Of A Lion » feat. Notis, « Ever Rizing Dub »…). Ces fréquences rebelles sont comme une lumière qui éclaire la voie. Finalement, la seule chose qu’on regrette, c’est que l’album passe aussi vite ! Procurez-vous Rebel Frequency dès maintenant, l’ère rebelle est en marche…

Simba

(pour Reggae Vibes Magazine #55 - août/septembre 2017)