Bonjour Agana, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Agana, artiste,
musicien, chanteur, troubadour... J’aime les vieux riddims de mon continent et
je suis surtout très réfractaire à l'hypocrisie de l'establishment…
Ce n’est pas rien d’être le fils d’Alpha Blondy… Quand t’es-tu rendu
compte que tu voulais, toi aussi, faire de la musique ?
Je me suis jamais
vraiment posé la question, je l'ai simplement fait.
Quels sont les artistes qui t’ont le plus marqué ?
Beaucoup d'artistes
m'ont accompagné au cours de mon existence, qu’ils soient pro ou amateurs. Mais
il y a trois albums que j'emporte avec moi partout où je vais : No Nuclear War de Peter Tosh, Resistance de Burning Spear et Jah Heavy Load (Haile I Hymn) de Ijahman.
Rootsteady est ton
premier album international, mais tu fais de la musique depuis 1995, quel a été
ton parcours ?
1996, précisément,
avec l’album The Day. Puis, j’ai fait
un saut au théâtre dans une pièce nommée Le
Paradis Infernal. Je n'ai pas manqué l'occasion de m'associer à un
organisme national pour une campagne contre le sida. Ensuite, après la tournée
promo de The Day, ma bande et moi
avons attaqué l’album Massif, donné
quelques concerts et, juste après, Patriote.
La conception de ces deux derniers a été terrible pour moi… La synthèse de mes
influences n’y était pas maitrisée, mon art me consumait… Alors, j'ai fait un
break, j'ai voyagé et enregistré ici et là ce qui allait devenir Rootsteady.
Que tires-tu de ces expériences ?
Après The Day, je me suis fait la main avec
les deux autres dont la promo a été difficile. A ce qu'on dit, c'est comme ça
que le métier rentre… Certains titres seront repris sur mes prochains albums, ils
sont vraiment d'actualité aujourd'hui, tant ils parlent de la nature humaine. Je
suis le premier surpris quand j'y pense !
Ton dernier album s’intitule Rootsteady,
est-ce le mot qui définit le mieux ton style ?
Yes, radicalement !
Comment s’est passée sa réalisation ?
C’était le parcours
du combattant ! Le projet a débuté à Abidjan avec mes musiciens (Soumahoro
Abbas, Jannot la baguette et Hugues Agbo) et s’est finalisé à Paris, en passant
par Londres… Une belle épopée ! Ma boîte Starclash m'a proposé de faire cette
réédition avec Richie Stevens comme directeur artistique. La difficulté a été
de garder une homogénéité dans la coloration et la dynamique sonore de cet
album, ce qui manquait sur la première édition. Nous avons supprimé des titres
et dépoussiéré certains. Je profite de cette occasion pour dire merci à Sun
Adam's, Georges Kouakou, pour les arrangements cuivres, et à Camus, mon « doyen »,
pour ses coups de machette ! Respect à Ellinghan pour le titre
« Tarzan », au Studio de la Grande Armée et surtout au studio Axlr
pour leur professionnalisme, leur sérénité à toute épreuve !
Quels sont les musiciens qui t’accompagnent ?
Ils sont légion et
changent au gré des situations. Il y a des fidèles et des passants... (rires)
Tu ne te cantonnes pas exclusivement au reggae, quelles sont les
influences que tu aimes explorer ?
Tout ce que la flore
musicale me permet d’apprécier, je n'ai pas de limite dans ma création. J'aime
le beau, alors je m'enivre parfois du groove de mes contemporains : jazz, rock,
latino, traditionnel… et j'en passe ! Je suis open.
Cet album est à la fois engagé, militant, social et spirituel… Beaucoup
de sujets te touchent, comment écris-tu tes textes ?
Juste au feeling. Je
suis une éponge : l’émotion, le ressenti des gens qui m'entourent, le
parfum des choses que je perçois, dictent mon écriture. La violence des actes
et la douceur d'un regard font partie de moi, alors j’évolue en fonction.
Que penses-tu sur la situation actuelle en Côte d’Ivoire et dans le
reste du monde ?
Longue sera la route
pour parvenir à la paix en Côte d’Ivoire. La paix ne se décrète pas, elle se
construit et se consolide avec le temps. J’attends de ce nouveau régime une
démarche dans ce sens et non dans des effets d'annonces. Il faut libérer les
prisonniers politiques et faire table raz de ce passé. Dans la guerre, il n’y a
pas de vainqueur, il n'y a que des victimes… Chacun a défendu ses positions. Mais
aujourd'hui la grande famille d'Eburnie doit se retrouver et se parler sans
hypocrisie et courbettes minables. Quant au monde, il est en pleine mutation, alors
ne perdons pas une miette de tous ces changements. L'avenir nous réserve des
surprises. Je peux déjà dire que le Printemps arabe va finir par ressembler à
un automne très froid… Wait and see !
Tu dénonces la corruption comme le mal du continent africain,
crois-tu qu’il soit possible d’en venir à bout ?....
Venir à bout de la
corruption en Afrique ! (rires) C
'est un style de vie d’être corrompu sur ce grand continent. C'est un cancer
qui nous a été légué par nos colonisateurs, qui ont bien pris soin de corrompre
nos esprits à des pratiques perverses, aux reniements de nos ancêtres, et j'en
passe… Beaucoup de loups déguisés en agneaux sévissent dans nos rangs. Malheureusement,
nos frères ont épousé des valeurs qui ne sont pas les leurs, alors si le sel
perd de sa saveur qui la lui rendra ? Je me pose la même question tous les
jours : suis-je assez propre pour faire la leçon aux autres ?...
C'est la responsabilité de chacun de se délivrer de son mal.
Travailles-tu sur un nouvel album ?
J'ai en démo
plusieurs titres du prochain, des featuring à l'horizon… Nous sommes entrain de
voir où le boucler. Mon manager penche pour la Jamaïque, et moi pour les USA. Pas
de date fixée pour sa sortie, mais sachez qu'il se nomme Zoo Babylone…
Quels sont tes projets pour les prochains mois ?
J'aime le secret de
la gestation. Le moment venu, vous serez mes témoins. Maintenant, place à la
tournée promo !
As-tu quelques mots à dire aux lecteurs de Reggae Vibes ?
Longue vie à Reggae
Vibes et à ses lecteurs. Finie la révolution, place à l’évolution. La vérité
est une mosaïque, seule l'essence est universelle. « Peace and love » ne sont que des mots, ils ne prennent sens
que dans les actes. La pauvreté n'est pas un style et le « much money in your pocket » n'est
pas une fin en soi. Je vous souhaite la paix du cœur et de l'esprit. J’espère
surtout vous voir sur nos routes musicales afin d’échanger de bonnes
vibes....Merci !
Simba
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