mercredi 6 février 2013

Agana - L'Alpha et l'Omega

Originaire de Côte d’Ivoire et immergé dans les sonorités depuis son plus jeune âge, Agana n’est autre que le fils du grand Alpha Blondy. Avec son premier album international, Rootsteady, Agana a, semble-t-il, trouvé ses marques et recueilli une attention justement méritée. Rencontre.

Bonjour Agana, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Agana, artiste, musicien, chanteur, troubadour... J’aime les vieux riddims de mon continent et je suis surtout très réfractaire à l'hypocrisie de l'establishment…

Ce n’est pas rien d’être le fils d’Alpha Blondy… Quand t’es-tu rendu compte que tu voulais, toi aussi, faire de la musique ?
Je me suis jamais vraiment posé la question, je l'ai simplement fait.

Quels sont les artistes qui t’ont le plus marqué ?
Beaucoup d'artistes m'ont accompagné au cours de mon existence, qu’ils soient pro ou amateurs. Mais il y a trois albums que j'emporte avec moi partout où je vais : No Nuclear War de Peter Tosh, Resistance de Burning Spear et Jah Heavy Load (Haile I Hymn) de Ijahman.

Rootsteady est ton premier album international, mais tu fais de la musique depuis 1995, quel a été ton parcours ?
1996, précisément, avec l’album The Day. Puis, j’ai fait un saut au théâtre dans une pièce nommée Le Paradis Infernal. Je n'ai pas manqué l'occasion de m'associer à un organisme national pour une campagne contre le sida. Ensuite, après la tournée promo de The Day, ma bande et moi avons attaqué l’album Massif, donné quelques concerts et, juste après, Patriote. La conception de ces deux derniers a été terrible pour moi… La synthèse de mes influences n’y était pas maitrisée, mon art me consumait… Alors, j'ai fait un break, j'ai voyagé et enregistré ici et là ce qui allait devenir Rootsteady.

Que tires-tu de ces expériences ?
Après The Day, je me suis fait la main avec les deux autres dont la promo a été difficile. A ce qu'on dit, c'est comme ça que le métier rentre… Certains titres seront repris sur mes prochains albums, ils sont vraiment d'actualité aujourd'hui, tant ils parlent de la nature humaine. Je suis le premier surpris quand j'y pense !

Ton dernier album s’intitule Rootsteady, est-ce le mot qui définit le mieux ton style ?
Yes, radicalement !

Comment s’est passée sa réalisation ?
C’était le parcours du combattant ! Le projet a débuté à Abidjan avec mes musiciens (Soumahoro Abbas, Jannot la baguette et Hugues Agbo) et s’est finalisé à Paris, en passant par Londres… Une belle épopée ! Ma boîte Starclash m'a proposé de faire cette réédition avec Richie Stevens comme directeur artistique. La difficulté a été de garder une homogénéité dans la coloration et la dynamique sonore de cet album, ce qui manquait sur la première édition. Nous avons supprimé des titres et dépoussiéré certains. Je profite de cette occasion pour dire merci à Sun Adam's, Georges Kouakou, pour les arrangements cuivres, et à Camus, mon « doyen », pour ses coups de machette ! Respect à Ellinghan pour le titre « Tarzan », au Studio de la Grande Armée et surtout au studio Axlr pour leur professionnalisme, leur sérénité à toute épreuve !

Quels sont les musiciens qui t’accompagnent ?
Ils sont légion et changent au gré des situations. Il y a des fidèles et des passants... (rires)

Tu ne te cantonnes pas exclusivement au reggae, quelles sont les influences que tu aimes explorer ?
Tout ce que la flore musicale me permet d’apprécier, je n'ai pas de limite dans ma création. J'aime le beau, alors je m'enivre parfois du groove de mes contemporains : jazz, rock, latino, traditionnel… et j'en passe ! Je suis open.

Cet album est à la fois engagé, militant, social et spirituel… Beaucoup de sujets te touchent, comment écris-tu tes textes ?
Juste au feeling. Je suis une éponge : l’émotion, le ressenti des gens qui m'entourent, le parfum des choses que je perçois, dictent mon écriture. La violence des actes et la douceur d'un regard font partie de moi, alors j’évolue en fonction.

Que penses-tu sur la situation actuelle en Côte d’Ivoire et dans le reste du monde ?
Longue sera la route pour parvenir à la paix en Côte d’Ivoire. La paix ne se décrète pas, elle se construit et se consolide avec le temps. J’attends de ce nouveau régime une démarche dans ce sens et non dans des effets d'annonces. Il faut libérer les prisonniers politiques et faire table raz de ce passé. Dans la guerre, il n’y a pas de vainqueur, il n'y a que des victimes… Chacun a défendu ses positions. Mais aujourd'hui la grande famille d'Eburnie doit se retrouver et se parler sans hypocrisie et courbettes minables. Quant au monde, il est en pleine mutation, alors ne perdons pas une miette de tous ces changements. L'avenir nous réserve des surprises. Je peux déjà dire que le Printemps arabe va finir par ressembler à un automne très froid… Wait and see !

Tu dénonces la corruption comme le mal du continent africain, crois-tu qu’il soit possible d’en venir à bout ?....
Venir à bout de la corruption en Afrique ! (rires) C 'est un style de vie d’être corrompu sur ce grand continent. C'est un cancer qui nous a été légué par nos colonisateurs, qui ont bien pris soin de corrompre nos esprits à des pratiques perverses, aux reniements de nos ancêtres, et j'en passe… Beaucoup de loups déguisés en agneaux sévissent dans nos rangs. Malheureusement, nos frères ont épousé des valeurs qui ne sont pas les leurs, alors si le sel perd de sa saveur qui la lui rendra ? Je me pose la même question tous les jours : suis-je assez propre pour faire la leçon aux autres ?... C'est la responsabilité de chacun de se délivrer de son mal.

Travailles-tu sur un nouvel album ?
J'ai en démo plusieurs titres du prochain, des featuring à l'horizon… Nous sommes entrain de voir où le boucler. Mon manager penche pour la Jamaïque, et moi pour les USA. Pas de date fixée pour sa sortie, mais sachez qu'il se nomme Zoo Babylone

Quels sont tes projets pour les prochains mois ?
J'aime le secret de la gestation. Le moment venu, vous serez mes témoins. Maintenant, place à la tournée promo !

As-tu quelques mots à dire aux lecteurs de Reggae Vibes ?
Longue vie à Reggae Vibes et à ses lecteurs. Finie la révolution, place à l’évolution. La vérité est une mosaïque, seule l'essence est universelle. « Peace and love » ne sont que des mots, ils ne prennent sens que dans les actes. La pauvreté n'est pas un style et le « much money in your pocket » n'est pas une fin en soi. Je vous souhaite la paix du cœur et de l'esprit. J’espère surtout vous voir sur nos routes musicales afin d’échanger de bonnes vibes....Merci !

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #27 - décembre 2012/janvier 2013)

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