lundi 4 février 2013

Takana Zion - Retour aux sources

Takana Zion vient tout juste de concocter un nouvel album, enregistré avec DJ Redeyes, entre Conakry et Paris, dont la sortie est programmée pour le 19 novembre : Kakilambe. Actuellement en Guinée, Takana Zion s’est fait un plaisir de nous dire quelques mots sur ce nouveau projet plus africain que jamaïcain.

Voici déjà ton quatrième album, on peut dire que tu ne perds pas de temps ! Kakilambe est annoncé comme assez différent du précédent, Rasta Government. Comment le présentes-tu ?
Oui, c’est vrai ! Il est assez différent dans la composition des textes et de la musique, il y a plusieurs univers. Mais ça reste dans la continuité de ce que je fais. Il y a toujours eu beaucoup de diversité dans ma musique. Là, c’était vraiment voulu, pour donner une image du paysage culturel africain et, plus précisément, celui de la Guinée. On a composé cet album en Guinée dans mon propre studio, qui porte le nom de mon grand-père, le Kanamacina studio, et une autre partie a été faite en France, pour enregistrer les basses, saxophones et les chœurs. Sinon, on a joué avec beaucoup d’instruments africains, notamment de la Guinée et du Mali, comme le balafon, le djembé… Il y a aussi un peu d’électro africaine, mais je n’ai pas oublié le reggae, auquel j’ai consacré 2 ou 3 morceaux. Une bonne partie de l’album est chantée en soussou, la langue maternelle de mon ethnie. Le morceau qui introduit l’album, « Abada », chante l’alphabet soussou et l’histoire de ce peuple. Elle a été falsifiée et il était important pour moi de la réhabiliter. Kakilambe sonne plus africain et aussi plus mondial. Il est ouvert à toutes les couleurs, avec la mystique et la tradition de l’Afrique. C’est un album qui parle plus en mélodie qu’en verbe…

Que représente le visuel de la pochette ?
Le visuel représente justement le masque qu’on appelle en Guinée « kakilambe ». C’est un masque qui augmente de taille, jusqu’à atteindre 3 ou 4 mètres de long, et ça représente aussi un esprit qui vit dans l’eau. Pour moi, Kakilambe, ça signifie l’ascension, parce que c’est quelque chose qui grandit.

Pourquoi avoir choisi DJ Redeyes pour cet album ?
DJ Redeyes a une bonne vibration. On s’est rencontré dans une soirée et il m’a dit qu’il aimait bien ma vibes, qu’il aimerait bien faire quelque chose avec moi. On partait sur une idée de dubplate ou quelque chose comme ça. Ca ne s’est pas fait, mais il voulait vraiment qu’on travaille ensemble. Je suis retourné en Afrique et je l’ai recontacté. Sizzla a voulu faire un featuring avec moi et directement il m’a donné un bon riddim pour ça. Sizzla m’a appelé et m’a dit « Takana, I want to do a featuring with you right now ! » J’ai vu qu’il y avait le bon truc chez DJ Redeyes pour moi, d’où l’idée d’en faire un projet, incluant ce featuring-là (« Mama Africa »). Je l’ai immédiatement fait venir en Guinée pour travailler ensemble, faire un album culturel à dimension internationale. Il a accepté ma proposition et, franchement, c’était une très belle expérience, j’espère qu’il y en aura encore plusieurs.

Comment s’est passé l’enregistrement entre Conakry et Paris ?
D’abord, DJ Redeyes est venu en Guinée. On a enregistré en seize jours de studio. Il y avait trop de vibes à Conakry, on a même eu une coupure de courant ! On était au studio Kanamacina et on avait de bonnes inspirations qui venaient. Là, on commence à enregistrer et le courant s’en va ! On a du attendre deux heures ! C’était très difficile, mais une bonne expérience. On a pu enregistrer tout ce qu’il fallait et Redeyes était content de voir la Guinée. Ensuite, c’est moi qui ai pris l’avion pour venir en France. J’ai invité quelques bons musiciens, notamment certains de Tiken Jah Fakoly, au studio RKF de Redeyes, où on a terminé l’autre partie et où le son a été mixé.

En voyant la tracklist de Kakilambe, on dirait qu’il y ait peu de textes en français…
Il y a un seul morceau en français ! Initialement, il y en avait deux : « Je m’en vais » et « Ce Matin ». Mais, « Je m’en vais » était un peu trop R’n’B pour l’album. C’est un bon morceau, je le garde pour un autre projet.

Souhaitais-tu que cet album se distingue des précédents ?
Avec tout ce qui se passe dans le monde et l’actualité, il fallait que je me concentre sur ce qu’il se fait dans mon pays pour bien le mettre en valeur. Je ne peux pas me permettre de faire tout le temps du reggae, ou de chanter uniquement en anglais. Je viens d’un pays qui a beaucoup de richesses culturelles, il faut que je travaille bien sur mon message, que je fasse en sorte que les gens le comprennent. 90% des personnes en Guinée parlent ma langue maternelle, le soussou. Je pense que Kakilambe remplit bien cette vocation de transmission du message. Ca n’a rien à voir avec les autres albums, qui sont reggae au moins à 80%. Rasta Government, c’est un album 100% reggae. Celui-ci c’est un album 100% musique mondiale, world music, musique africaine…

Il paraît que tu seras en France au printemps 2013…
Oui, je viens en France au printemps 2013 pour présenter l’album ! J’espère que toute la France va aimer mon album !

Bamako, Kingston, Conakry, Paris… où penses-tu enregistrer le prochain ?
Mon prochain album, je veux le faire à Kingston ! Je suis déjà allé dans le studio de Harry J, mais cette fois, je souhaite travailler dans le studio de Bob Marley, la légende ! Mon prochain album s’appellera Good Life, la belle vie, et ce sera vraiment reggae…

Que penses-tu de la situation actuelle dans le monde ?
Il y a un manque d’amour dans le monde. Les hommes se sont arrangés pour faire en sorte que l’argent soit plus respecté que Dieu tout-puissant. Une bonne partie de l’humanité est perdue… Nous devons apprendre à nos enfants à croire en l’amour. Nous représentons l’Afrique pour faire savoir au monde qu’elle a besoin d’être rétablie. Il y a beaucoup de jeunes en Afrique, mais il n’y a pas beaucoup de travail. Il faut que l’Afrique soit en paix pour que le monde entier soit en paix. C’est le berceau de l’humanité… Nous sommes des enfants de Dieu. Dieu et notre père et le monde est notre famille. C’est de tout ça que Kakilambe parle ! Ca parle du travail, du respect, de la tradition…

Tu crois à la victoire du bien sur le mal ?
Le bien l’emporte tous les jours, mais ça prend beaucoup de temps. La vérité ne vient pas s’imposer comme ça, il faut qu’on soit libre du mensonge pour voir la vérité. Le mensonge n’est là que pour un instant, la vérité demeure pour l’éternité…

Pour finir, un petit mot pour les lecteurs de Reggae Vibes…
Maximum Respect à tous les lecteurs de Reggae Vibes ! One Love à vous tous ! Big up à Reggae Vibes Magazine qui fait la promotion de la culture et de la musique reggae. C’est beaucoup de bénédiction, beaucoup de force, et beaucoup d’amour surtout. Big up à vous depuis la Guinée Conakry !

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #27 - décembre 2012/janvier 2013)

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