samedi 19 mars 2016

Patko - Maroon

Depuis la sortie de son album Just Take It Easy en 2013, Patko continue de faire des adeptes avec ses vibrations énergiques très actuelles. Son nouvel opus s’intitule Maroon et se veut du même acabit optimiste. A ne laisser refroidir sous aucun prétexte !

Te voilà de retour avec un nouvel album intitulé Maroon, paru le 23 octobre. Quel bilan tires-tu du premier, Just Take It Easy, sorti il y a deux ans ?
Just Take it Easy est mon premier album. J’ai mis beaucoup de cœur à travailler ce projet, tant sur le plan de la création que le show avec mes musiciens. Il m’a permis d’aller à la rencontre du public, sur les scènes de France, et même dans le désert algérien ! C’est une belle expérience, qui m’a fait grandir et évoluer sur le plan technique, mais aussi humain.

Que signifie pour toi le titre Maroon ?
 « Maroon » vient de l’espagnol « cimarron », qui signifie retour vers l’état de nature. Il désigne les esclaves fugitifs, qui, à l’époque de la traite négrière, ont fui l’esclavage pour rejoindre la forêt et former leurs propres villages. Ces villages avaient leurs règles et cultures, toujours en accord avec la nature. Je suis moi-même descendant des Maroons. Mes parents sont Saramaca, une tribu Maroon qui vivait dans l’Ouest du Suriname [ex-Guyane hollandaise, Amérique du Sud], en plein cœur de la forêt amazonienne. C'est le titre de l'album et celui d'une chanson où je rends hommage à mes ancêtres et à leurs combats pour la liberté.

Qu’avais-tu envie d’exprimer avec cet album ?
Le melting pot. Notre avenir se situe dans le brassage culturel. J’ai beaucoup voyagé ces dernières années (Afrique, Jamaïque, États-Unis et, bien sûr, Amérique du Sud). Du coup, tous ces voyages et rencontres m’ont vraiment inspiré. D’où je viens, les mélanges culturels existent depuis longtemps, avec les Amérindiens, Surinamiens, Créoles, Brésiliens, Hmong (Laotiens), Indiens, Hollandais… Les mélanges culturels font partie de moi.

On retrouve des invités notables et diversifiés, comme Fantan Mojah, Joggo, Dean Fraser ou encore Balik et Natty Jean, Rockin’ Squat… Comment as-tu choisi ces collaborations ?
Tous ces artistes viennent de milieux différents, mais leurs messages et leurs engagements se rejoignent, et, surtout, ils me ressemblent. Leur côté militant est une force et je suis fier d’avoir fait cet album en leur compagnie, car il ne faut pas oublier que le reggae est à la base une musique militante. Quand on prend Rockin' Squat, sa musique est un combat ; son but, faire valoir l’égalité et la justice pour les personnes exclues par cette société. Je me souviens quand je lui ai envoyé le titre, il a tout de suite kiffé l’instrumental et le featuring s’est fait naturellement. Pour « Lob Surinam », Joggo est le frère de Clarence Seedorf, footballeur hollandais venu du Surinam. Je sais qu’il adore ce pays. Joggo et Fantan sont, pour beaucoup d’entre nous, la fierté du Surinam. Du coup, pour un titre qui parle de l’amour pour ce pays, il était évident de penser à eux ! Balik et Natty Jean sont des personnes que j’apprécie humainement. Ils m’ont beaucoup soutenu pour cet album et ça a été un plaisir de partager le titre  « Equality and Justice » avec eux. Pour Dean Fraser, légende de la musique jamaïcaine, je l'ai rencontré en Jamaïque au moment où je tournais mon clip « Why a Badman ». J’étais en studio avec Dave Fitzroy Green. En un coup de fil, il est passé et a écouté le titre. Il l’a adoré et enregistré tout de suite ! Je vous laisse imaginer l’émotion face à ce son de saxo qui a traversé les époques. Il ne faut pas oublier qu’il a joué avec Dennis Brown et tellement d’autres légendes !
 
Le titre d’ouverture, « Tears », est le premier clip extrait de l’album et il aborde un thème plutôt dur… Peux-tu nous raconter l’histoire de ce morceau ?
Oui, c’est clair que c’est un thème dur et, en même temps, tellement présent. Qu’est ce qui est le plus dur ? Les mots qui décrivent la misère ou la misère elle-même ? Aucun mot ne peut représenter la dureté de la misère. Ce titre, par ses mots choquants, amène ce genre de questions, et c’était un peu le but. Je trouvais important d’aborder ce sujet. Avec ce titre, j’ai vraiment voulu que les personnes captent que la misère n’a pas de couleur, que l’on est tous en sursis…

Si tu devais choisir trois morceaux de l’album, ce serait lesquels et pourquoi ?
« Solid as a Rock » : je l’ai écrit en pensant aux personnes proches de moi qui sont issues d’une autre culture. Je trouve qu’on apprend tellement des échanges humains Même si je suis un grand déconneur, je me retrouve parfois étranger, même avec mes proches…« Daddy » : c’est un titre très personnel et, en même temps, qui peut toucher tellement de monde. Le fait de grandir sans sa mère, ou son père, comme ça a été le cas pour moi, est très difficile. Il faut se construire et vivre avec cette douleur, car la vie continue et qu’il faut avancer. « Maroon » : c’est le titre-phare de l’album. C’est un pont entre les Maroons du monde entier et l’Afrique, notre terre-mère. Il parle de leur histoire, mais aussi du lien étroit avec l ‘Afrique, d’où le featuring avec Djely Kani Kouyaté. C’est un titre avec un texte poignant et une rythmique très entraînante, pour faire ressortir le côté joyeux et dansant de nos tribus, qu’elles soient d’Afrique ou d’ailleurs.

Où peut-on se procurer Maroon ? Dans quel format ?
En digital sur toutes les plateformes de téléchargement légal et de streaming, en CD à la Fnac, et sur tous nos concerts, bien sûr !

Quel est le message que tu souhaites faire passer avec ta musique ?
L’optimisme ! Malgré les sujets que j’aborde, qui sont parfois durs, je souhaite rappeler au monde que les choses peuvent évoluer.

Sur quoi travailles-tu actuellement ?
Je bosse sur le show live avec mon groupe. J’ai envie d’apporter une vraie identité à mon live, qu’il représente Maroon à 100 %. Je suis aussi sur d’autres projets, en collaboration avec d’autres artistes…

Quels sont tes plans pour 2016 ?
Tout d’abord, défendre au maximum cet album sur les routes et aller à la rencontre du public, échanger et partager au maximum avec lui. Je suis tellement impatient d’avoir des retours concernant mon album ! J’aimerais aussi reprendre mon activité de beatmaker pour d'autres, car j’aime beaucoup composer. Mon souhait serait de composer un album tout entier pour un artiste qui me ferait confiance…

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #45 - décembre 2015/janvier 2016)

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