Originaire du Bénin, Assoh Babylas présente aujourd’hui son second
album, Taximan. Installé depuis une
dizaine d’années à Saint-Etienne, son premier opus, La Mort Des Justes, est sorti en 2006. Rencontre avec un artiste
dont les voyages et les rencontres sur tous les continents nourrissent
l’inspiration.
Peux-tu te
présenter à nos lecteurs ?
J’ai été élevé à Abomey, capitale historique du royaume du
Dahomey, l’actuel Bénin. Avec mes frères et sœurs, on écoutait beaucoup de
musique, on chantait, dansait sur tous les styles. A 10 ans, mon instituteur me
confiait la mission de faire chanter l’hymne national à toute l’école. J’ai
vécu au Bénin jusqu’à 20 ans. Très complice avec un de mes grands frères qui
écoutait beaucoup de reggae roots, j’ai grandi avec la musique de Bob Marley,
Peter Tosh, Jimmy Cliff, Culture, Alpha Blondy, Steel Pulse, Burning Spear,
Lucky Dube, et beaucoup d’autres… Après des expériences dans plusieurs groupes
scolaires et universitaires, je suis parti à Lomé, au Togo, où j’ai intégré Les Happyness,
à l’invitation de leur guitariste. Deux ans plus tard, je me suis rendu à
Abidjan en Côte d’ivoire…
Aujourd’hui, tu
vis en France ?
Je vis en France, à Saint-Etienne, depuis quelques années, une
ville qui représente dignement la scène du reggae français. Elle réunit
plusieurs bons groupes de reggae, autant par leur histoire et par les messages
qu’ils véhiculent. Je ne cache pas que le reggae africain à une grande place
dans mon cœur.
D’où vient le nom
Assoh Babylas ? A-t-il une signification ?
Ma seconde passion est le football. Là aussi, c’est une
affaire de famille. Mon père était président du club de foot de la ville
d’Abomey. Assoh était le tout premier nom du club. Babylas est mon prénom. J’ai
gardé Assoh comme nom d’artiste pour le côté sportif.
Quelles ont été
tes premières expériences dans la musique et que t’ont-elles apporté ?
J’ai eu la chance très jeune de travailler avec de très
bons musiciens lors de mes voyages. J’ai beaucoup appris, ce qui m’a aidé à me
professionnaliser. J’ai écrit mes premières chansons dans les années 1990, elles
ont évolué par la suite. Le talent ne suffit pas ! Il faut beaucoup de
travail et de persévérance. Mon premier maxi enregistré à Lomé, en 1993, contient
les chansons « Jeunesse en Danger », « Somalie », « Africa »,
« Démocratie »… qui sont aussi sur mon premier album sorti en France
en 2006. Le titre « Concurrence » figure, lui, sur mon dernier album,
Taximan.
Comment
présentes-tu ton premier album La Mort
Des Justes ?
La Mort Des Justes
est sorti en France en 2006, et seulement deux ans après en Afrique. C’est un album
roots reggae africain énergique : de la précision rythmique avec des
mélodies inspirées du souffle du continent des origines.
Taximan est ton second album, disponible depuis le 21 mai,
que contient-il ?
Taximan aborde différents
sujets. « Ma Bible » parle de mon grand père, de son enseignement sur
l’esclavage, tout en rendant hommage à mes aïeux. Je parle aussi de sujets
d’actualité, la révolution du monde arabe (« Rendez-vous »), les enfants
tchadiens enlevés par l’association l’Arche de Zoé (« Otages »), la situation critique en Afrique où seuls les
décideurs se remplissent les poches (« Cercle de Feu »), l’assassinat,
en 1961, de l’un des symboles indépendantistes
de l’ex-Congo belge (« Lumumba »), la
manipulation du concept d'ivoirité à des fins politiques, avec des
affrontements violents qui divisent le peuple ivoirien depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny en
1993 (« Ivoirité »),
le poids de l’intégration que
connaissent tous les immigrés (« Akonkpinkpan », qui signifie « courage »)…
« Elles » parle d’un sujet grave, le trafic des filles africaines, à
qui on promet l’eldorado européen… J’incite le peuple africain à être fier et à s’unifier autour de ses
vraies richesses avec « Debout ». Taximan
est un album de 15 titres roots reggae africain, où je chante sur des sujets
sensibles, où je cherche à rassembler plutôt que diviser. C’est un message
d’espoir dans les vraies valeurs de l’être humain, un appel à la spiritualité…
Comment s’est
passée sa réalisation et son enregistrement ?
Tout s’est fait au feeling. J’ai voulu créer
un pont entre le reggae roots africain et jamaïcain. Il a été enregistré en
grande partie au studio Innacity, à Saint-Etienne, mais aussi en Afrique et en Jamaïque.
Plusieurs musiciens de groupes français y ont participé : Fred, Jérémie et Zigo de Dub inc., Kubix de Colocks, Christophe
Reyes et Mathieu Coquard de Jah Gaïa, Clément Corron de Datune, Valérie Assouan
à la basse, Franck Boutin-Albrand aux percussions, Pierrick Arnaud à la batterie,
la section cuivre et les choristes de Tiken Jah Fakoly, Didier Bolai, JB
Moundèle, Michel Pinheiro, Julie Brou Rémi, Wendy Wonda, et aussi Bingy, Devon
Bradshaw, Ian Coleman, Andrew Diamond… Beaucoup ont contribué à la
composition des riddims. C’est un album réalisé totalement en autoproduction et
sorti chez MVS.
Pourquoi le choix
du titre Taximan ?
Pour deux raisons. Mon premier album,
La Mort Des Justes, a été enregistré
par les Kinikinis Wéwés, groupe que j’ai créé en 2004, composé essentiellement
des musiciens du groupe Dub Inc. Beaucoup d’autres musiciens de différents
groupes sont montés à bord de mon taxi ! Et parce que tous les titres de
l’album ont un lien avec la chanson « Taximan », même si j’aborde différents
sujets.
Tes textes sont à
la fois engagés et spirituels, que souhaites-tu véhiculer avec ta
musique ?
Pour moi, l’artiste, quelque soit son
art, doit être engagé, c’est le but que je me fixe. Mon art est le biais par
lequel je fais passer mon expérience de vie et mon regard sur le monde. Il y a
mon vécu et celui de mes ancêtres, pour l’aspect spirituel. Il me semble que la
foi est importante pour défendre certaines causes. L’art n’a pas de frontière,
il est comme un souffle de vie.
On retrouve deux featurings
sur ton album, avec Ismaël Isaac et Andrew Diamond. Comment se sont-ils
passés ?
Le feat avec Ismaël Isaac était une
évidence. On s’est connu à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pays pour lequel j’ai
beaucoup d’affection. C’est un ami proche et j’aime beaucoup ce qu’il fait.
« Brother’s Song » est un appel à la fraternité sur un continent qui
a trop souffert. Un vrai ami, c’est un frère ! Le feat avec Andrew Diamond
est né d’une complicité artistique. Andrew a mis une belle touche poétique dans
la langue de Shakespeare sur « Kings of Abomey ».
Y aura-t-il des
concerts de prévus ?
Je serai en Afrique en août/septembre
pour la sortie de l’album, et pour la réalisation de clips. Ensuite, je serai
en concert le 8 novembre au Fil, à Saint-Etienne. Les dates live, ça sera
surtout pour l’année prochaine… One Love !
Simba
(pour Reggae Vibes Magazine #31 - août/septembre 2013)
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