Bien que Marcel pratique
le reggae depuis déjà un bon quart de siècle, son troisième album, Les Charognards, n’est sorti que le 3
décembre dernier, huit ans après Africa
Vigilance. Comme toujours, Salem exprime ce que lui fait ressentir son cœur,
l’humanité qui est en lui et lui fait dénoncer l’injustice qui perdure. Aidé en
cela par une foi inébranlable en l’Afrique… et par quelques pouvoirs occultes.
Il se souvient de son père lui disant « tant que tu vis, tu peux
apprendre »… Ces mots sont devenus son credo tout au long de son
parcours, où finissent par se rejoindre les effets de l’aventure et la musique
pour apaiser l’âme. L’univers de Salem entremêle reggae et tradition africaine,
avec forcément beaucoup de choses à dire.
Peux-tu te
présenter en quelques mots ?
Je suis un artiste sénégalais, auteur-compositeur-interprète,
qui fait du reggae depuis maintenant vingt-cinq ans. Après avoir fait de la
boxe, je suis parti tenter l'aventure pendant douze ans dans
toute l'Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, où j'écrivais, le soir,
allongé sur mes cartons, ce que je ressentais au plus profond de moi, en
m'accompagnant d'une vieille guitare. Pas facile, l'aventure…
Quand as-tu
commencé à faire de la musique et à chanter ?
Je crois avoir toujours fait de la musique. Par contre,
j'ai commencé à composer, en 1986, en Côte d'Ivoire et, surtout, lorsque je
suis rentré au Sénégal, avec 800 Francs CFA (1,20 €) en poche, des douze années
de ce long périple. J'ai eu besoin d’exprimer ma douleur en chantant,
notamment, d’avoir perdu toute trace de mon jeune frère qui était venu me
rejoindre…
Quel souvenir
gardes-tu de la musique au Sénégal pendant ton enfance ?
Les chants en latin que chantait mon père à l'église
le dimanche. Je suis toujours ému par ces moments lorsque je me les remémore.
Tu dis avoir été
boxeur professionnel. Comment ça s’est passé ? Que retiens-tu de cette
expérience ?
Oui, j'ai fait de la boxe pendant dix ans, entre
1975 et 1985. J'ai gagné 28 combats sur 32 ! Le dernier a eu lieu en Côte
d'Ivoire. Je dirais que la boxe m'a beaucoup appris sur le respect de
l'autre.
Tu as aussi
beaucoup voyagé. Que t’ont apporté ces voyages sur le plan musical ?
L'aventure, comme je l'ai vécue, pendant douze ans,
sans un sou, vivant de petits boulots qui permettent juste de manger le soir,
ne peut qu'enrichir l’inspiration musicale. Une seule vie ne suffit
pas pour écrire tout ce qui a été vu, entendu, enduré…
En dix ans, tu as
sorti trois albums. Peux-tu présenter ta discographie ?
Le premier est Carroye 44, sorti en 2006, dont le titre est un hommage aux tirailleurs
sénégalais. La chanson « Baapa » parlait, elle, du retour à la terre.
Second album, en 2008, Africa Vigilance, car l'Afrique
est un puits sans fond regorgeant de matières premières dans lequel vient se
servir le monde entier pendant que la population ne mange pas à sa faim… Le troisième s’intitule Les Charognards, sorti le 9 décembre. Nous voyons les mêmes dirigeants
au pouvoir depuis vingt, trente ou quarante ans, qui, non seulement ne le
quittent pas, mais placent leurs propres fils pour leur succéder, sans parler
de leur familles qui pillent les richesses du pays et liquident ou enferment
tout opposant. Je voulais parler de tous ces gouvernants africains qui se
prennent pour des rois, s'enrichissent sur le dos de leur peuple, de ces
accords avec les Occidentaux pour nous maintenir dans la pauvreté… Les journalistes
disent que je suis réactionnaire. Je suis comme je suis, je revendiquerai toute
ma vie, et, malheureusement, de plus en plus, étant donné le chaos dans lequel
le monde entier se trouve…
On sent que
beaucoup de thèmes de l’album sont durs, voire tristes… Tu chantes en français
mais aussi en patois. De quels dialectes s’agit-il ? T’arrive-t-il de
chanter en anglais ?
L’inspiration vient de la vie en général, de ce qui se
passe chaque jour, chaque heure… Non, je ne chante pas en anglais, mais
en sérère, mon dialecte natal, afin qu’il ne disparaisse jamais, en wolof, la
langue nationale du Sénégal, en mandingue et en français, que j'ai appris bien plus
tard.
Pourquoi s’est-il
passé huit ans entre ton deuxième album et Les Charognards ?
Sortir un album a un coût très élevé. Je
suis en autoproduction. Je préférerais sortir un album tous les deux
ans, mais ce n’est pas possible dans ce contexte, et comme ça ne
m’intéresse pas de sortir des albums commerciaux, ça prend du temps…
Quand et où a été
enregistré l’album ?
J'ai enregistré cet album au mois d'avril 2016 à
l'Auditorium de Saint Ouen à Paris avec Valess Assouan (basse), Eric Rico
Delloye (batterie), Alex Armel (guitare), David Thierry Desert (percussions), Nana
(chœurs), Philippe SlominskI (trompette), Thierry Farrugia (saxophone ténor), Michael
Joussein (trombone) et Julien Daian (saxophone soprano).
Quels sont tes
projets pour 2017 ?
D’abord, il va y avoir le concert au Zèbre de
Belleville à Paris, le 4 février, ensuite direction le Sénégal pour trois concerts
et la promotion de l'album, puis continuer vers le Burkina Faso…
Simba
(pour Reggae Vibes Magazine #52 - février/mars 2017)
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