Depuis
la sortie de son album Just Take It Easy
en 2013, Patko continue de faire des adeptes avec ses vibrations énergiques très
actuelles. Son nouvel opus s’intitule Maroon
et se veut du même acabit optimiste. A ne laisser refroidir sous aucun
prétexte !
Te
voilà de retour avec un nouvel album intitulé Maroon, paru le 23 octobre. Quel bilan tires-tu du premier, Just Take It Easy, sorti il y a deux ans
?
Just Take it Easy est mon premier album. J’ai mis beaucoup de cœur
à travailler ce projet, tant sur le plan de la création que le show avec mes
musiciens. Il m’a permis d’aller à la rencontre du public, sur les scènes de France,
et même dans le désert algérien ! C’est une belle expérience, qui m’a fait
grandir et évoluer sur le plan technique, mais aussi humain.
Que
signifie pour toi le titre Maroon ?
« Maroon » vient de l’espagnol « cimarron »,
qui signifie retour vers l’état de nature. Il désigne les esclaves fugitifs,
qui, à l’époque de la traite négrière, ont fui l’esclavage pour rejoindre la
forêt et former leurs propres villages. Ces villages avaient leurs règles et
cultures, toujours en accord avec la nature. Je suis moi-même descendant des
Maroons. Mes parents sont Saramaca, une tribu Maroon qui vivait dans l’Ouest du
Suriname [ex-Guyane hollandaise, Amérique
du Sud], en plein cœur de la forêt amazonienne. C'est le titre de l'album
et celui d'une chanson où je rends hommage à mes ancêtres et à leurs combats
pour la liberté.
Qu’avais-tu
envie d’exprimer avec cet album ?
Le melting pot. Notre avenir se situe
dans le brassage culturel. J’ai beaucoup voyagé ces dernières années (Afrique,
Jamaïque, États-Unis et, bien sûr, Amérique du Sud). Du coup, tous ces voyages
et rencontres m’ont vraiment inspiré. D’où je viens, les mélanges culturels
existent depuis longtemps, avec les Amérindiens, Surinamiens, Créoles,
Brésiliens, Hmong (Laotiens), Indiens, Hollandais… Les mélanges culturels font
partie de moi.
On
retrouve des invités notables et diversifiés, comme Fantan Mojah, Joggo, Dean
Fraser ou encore Balik et Natty Jean, Rockin’ Squat… Comment as-tu choisi ces
collaborations ?
Tous
ces artistes viennent de milieux différents, mais leurs messages et leurs
engagements se rejoignent, et, surtout, ils me ressemblent. Leur côté militant
est une force et je suis fier d’avoir fait cet album en leur compagnie, car il
ne faut pas oublier que le reggae est à la base une musique militante. Quand on
prend Rockin' Squat, sa musique est un combat ; son but, faire valoir
l’égalité et la justice pour les personnes exclues par cette société. Je me
souviens quand je lui ai envoyé le titre, il a tout de suite kiffé l’instrumental
et le featuring s’est fait naturellement. Pour « Lob Surinam », Joggo
est le frère de Clarence Seedorf, footballeur hollandais venu du Surinam. Je
sais qu’il adore ce pays. Joggo et Fantan sont, pour beaucoup d’entre nous, la
fierté du Surinam. Du coup, pour un titre qui parle de l’amour pour ce pays, il
était évident de penser à eux ! Balik et Natty Jean sont des personnes que
j’apprécie humainement. Ils m’ont beaucoup soutenu pour cet album et ça a été
un plaisir de partager le titre
« Equality and Justice » avec eux. Pour Dean Fraser, légende
de la musique jamaïcaine, je l'ai rencontré en Jamaïque au moment où je
tournais mon clip « Why a Badman ». J’étais en studio avec Dave
Fitzroy Green. En un coup de fil, il est passé et a écouté le titre. Il l’a
adoré et enregistré tout de suite ! Je vous laisse imaginer l’émotion face à ce
son de saxo qui a traversé les époques. Il ne faut pas oublier qu’il a joué
avec Dennis Brown et tellement d’autres légendes !
Le
titre d’ouverture, « Tears », est le premier clip extrait de l’album et il
aborde un thème plutôt dur… Peux-tu nous raconter l’histoire de ce morceau ?
Oui,
c’est clair que c’est un thème dur et, en même temps, tellement présent. Qu’est
ce qui est le plus dur ? Les mots qui décrivent la misère ou la misère elle-même ?
Aucun mot ne peut représenter la dureté de la misère. Ce titre, par ses mots
choquants, amène ce genre de questions, et c’était un peu le but. Je trouvais
important d’aborder ce sujet. Avec ce titre, j’ai vraiment voulu que les
personnes captent que la misère n’a pas de couleur, que l’on est tous en sursis…
Si
tu devais choisir trois morceaux de l’album, ce serait lesquels et pourquoi ?
« Solid as a Rock » : je
l’ai écrit en pensant aux personnes proches de moi qui sont issues d’une autre
culture. Je trouve qu’on apprend tellement des échanges humains Même si je suis
un grand déconneur, je me retrouve parfois étranger, même avec mes proches…« Daddy » :
c’est un titre très personnel et, en même temps, qui peut toucher tellement de monde.
Le fait de grandir sans sa mère, ou son père, comme ça a été le cas pour moi,
est très difficile. Il faut se construire et vivre avec cette douleur, car la
vie continue et qu’il faut avancer. « Maroon » : c’est le
titre-phare de l’album. C’est un pont entre les Maroons du monde entier et
l’Afrique, notre terre-mère. Il parle de leur histoire, mais aussi du lien
étroit avec l ‘Afrique, d’où le featuring avec Djely Kani Kouyaté. C’est
un titre avec un texte poignant et une rythmique très entraînante, pour faire
ressortir le côté joyeux et dansant de nos tribus, qu’elles soient d’Afrique ou
d’ailleurs.
Où
peut-on se procurer Maroon ? Dans
quel format ?
En digital sur toutes les plateformes de
téléchargement légal et de streaming, en CD à la Fnac, et sur tous nos concerts,
bien sûr !
Quel
est le message que tu souhaites faire passer avec ta musique ?
L’optimisme ! Malgré les sujets que
j’aborde, qui sont parfois durs, je souhaite rappeler au monde que les choses
peuvent évoluer.
Sur
quoi travailles-tu actuellement ?
Je bosse sur le show live avec mon
groupe. J’ai envie d’apporter une vraie identité à mon live, qu’il représente Maroon à 100 %. Je suis aussi sur
d’autres projets, en collaboration avec d’autres artistes…
Quels
sont tes plans pour 2016 ?
Tout d’abord, défendre au maximum cet
album sur les routes et aller à la rencontre du public, échanger et partager au
maximum avec lui. Je suis tellement impatient d’avoir des retours concernant
mon album ! J’aimerais aussi reprendre mon activité de beatmaker pour
d'autres, car j’aime beaucoup composer. Mon souhait serait de composer un album
tout entier pour un artiste qui me ferait confiance…
Simba
(pour Reggae Vibes Magazine #45 - décembre 2015/janvier 2016)