vendredi 25 mars 2016

Jacko with Bambool - Jacko with Bambool (Musicast)

S’il fallait choisir un mot pour résumer le premier album de Jacko with Bambool, ce serait certainement groove. Disponible depuis début novembre en CD et en téléchargement, cet album éponyme sort des sentiers battus avec un son bien au croisement du reggae, du dub, du funk et de la soul. La composition des titres laisse libre court aux instruments d’exprimer leurs envies de faire balancer. Ils n’ont pas, non plus, manqué d’ajouter, là où ils les imaginaient, des chœurs, percussions ou cordes… Le titre d’ouverture, « What They Do », nous met d’emblée dans le rythme. Ce disque en dit long sur la manière dont les sept musiciens ressentent la musique ensemble. Voilà qu’une porte s’ouvre sur l’univers original et engagé de Jacko with Bambool, qui ne pouvait pas exister autrement qu’en langue anglaise. Les textes sont loin d’être dénués d’intérêt, qu’il s’agisse de thèmes chers au reggae, d’histoires personnelles ou de sujets plus larges. Vous êtes peut-être déjà tombé sur le clip de « Friendship », sorti en amont cet été. On peut dire que les quinze pistes qui l’accompagnent partagent les mêmes teintes. Même si la saveur peut surprendre un peu au premier abord, on prend vite goût à cette atmosphère métissée et vibrante que nous livrent, avec le cœur, Jacko et ses musiciens.

Simba

(pour Reggae Vibes Magazine #45 - décembre 2015/janvier 2016)

mardi 22 mars 2016

Million Stylez - Revelation Time (Undisputed Records)

Depuis « Miss Fatty », Million Stylez a enregistré bon nombre de morceaux puissants, qui ont fait de lui une valeur sûre de la scène actuelle. Ses précédents albums regroupaient tous une poignée de big tunes, que ce soit sur un créneau dancehall, lover, spirituel, conscient… Ce nouvel album ne déroge pas à la règle. Quel plaisir que ce soit, en plus, en compagnie d’un label français de qualité ! Revelation Time pourrait bien compter parmi les meilleurs albums de l’année avec ses douze bombes musicales. Million Stylez pose, sur toutes les instrumentales, un flow parfaitement de circonstance, du roots au dancehall, à l’ancienne ou ultra moderne. On y retrouve quelques titres sortis précédemment, « Where’s My Wife », « Waiting », « Babylon Is Burning ». Vous l’aurez compris, Revelation Time est un album indispensable. Une fois qu’on a commencé à l’écouter, on ne peut plus s’en passer, le charme opère instantanément ! Million Stylez a un talent incroyable pour faire naître une vibration sincère et vivante, avec sa voix et ses flows si addictifs, et pour choisir des rythmiques aussi entêtantes qu’entraînantes. Soyez en certains, cet album va faire du bruit.

Simba

(pour Reggae Vibes Magazine #45 - décembre 2015/janvier 2016)

samedi 19 mars 2016

Patko - Maroon

Depuis la sortie de son album Just Take It Easy en 2013, Patko continue de faire des adeptes avec ses vibrations énergiques très actuelles. Son nouvel opus s’intitule Maroon et se veut du même acabit optimiste. A ne laisser refroidir sous aucun prétexte !

Te voilà de retour avec un nouvel album intitulé Maroon, paru le 23 octobre. Quel bilan tires-tu du premier, Just Take It Easy, sorti il y a deux ans ?
Just Take it Easy est mon premier album. J’ai mis beaucoup de cœur à travailler ce projet, tant sur le plan de la création que le show avec mes musiciens. Il m’a permis d’aller à la rencontre du public, sur les scènes de France, et même dans le désert algérien ! C’est une belle expérience, qui m’a fait grandir et évoluer sur le plan technique, mais aussi humain.

Que signifie pour toi le titre Maroon ?
 « Maroon » vient de l’espagnol « cimarron », qui signifie retour vers l’état de nature. Il désigne les esclaves fugitifs, qui, à l’époque de la traite négrière, ont fui l’esclavage pour rejoindre la forêt et former leurs propres villages. Ces villages avaient leurs règles et cultures, toujours en accord avec la nature. Je suis moi-même descendant des Maroons. Mes parents sont Saramaca, une tribu Maroon qui vivait dans l’Ouest du Suriname [ex-Guyane hollandaise, Amérique du Sud], en plein cœur de la forêt amazonienne. C'est le titre de l'album et celui d'une chanson où je rends hommage à mes ancêtres et à leurs combats pour la liberté.

Qu’avais-tu envie d’exprimer avec cet album ?
Le melting pot. Notre avenir se situe dans le brassage culturel. J’ai beaucoup voyagé ces dernières années (Afrique, Jamaïque, États-Unis et, bien sûr, Amérique du Sud). Du coup, tous ces voyages et rencontres m’ont vraiment inspiré. D’où je viens, les mélanges culturels existent depuis longtemps, avec les Amérindiens, Surinamiens, Créoles, Brésiliens, Hmong (Laotiens), Indiens, Hollandais… Les mélanges culturels font partie de moi.

On retrouve des invités notables et diversifiés, comme Fantan Mojah, Joggo, Dean Fraser ou encore Balik et Natty Jean, Rockin’ Squat… Comment as-tu choisi ces collaborations ?
Tous ces artistes viennent de milieux différents, mais leurs messages et leurs engagements se rejoignent, et, surtout, ils me ressemblent. Leur côté militant est une force et je suis fier d’avoir fait cet album en leur compagnie, car il ne faut pas oublier que le reggae est à la base une musique militante. Quand on prend Rockin' Squat, sa musique est un combat ; son but, faire valoir l’égalité et la justice pour les personnes exclues par cette société. Je me souviens quand je lui ai envoyé le titre, il a tout de suite kiffé l’instrumental et le featuring s’est fait naturellement. Pour « Lob Surinam », Joggo est le frère de Clarence Seedorf, footballeur hollandais venu du Surinam. Je sais qu’il adore ce pays. Joggo et Fantan sont, pour beaucoup d’entre nous, la fierté du Surinam. Du coup, pour un titre qui parle de l’amour pour ce pays, il était évident de penser à eux ! Balik et Natty Jean sont des personnes que j’apprécie humainement. Ils m’ont beaucoup soutenu pour cet album et ça a été un plaisir de partager le titre  « Equality and Justice » avec eux. Pour Dean Fraser, légende de la musique jamaïcaine, je l'ai rencontré en Jamaïque au moment où je tournais mon clip « Why a Badman ». J’étais en studio avec Dave Fitzroy Green. En un coup de fil, il est passé et a écouté le titre. Il l’a adoré et enregistré tout de suite ! Je vous laisse imaginer l’émotion face à ce son de saxo qui a traversé les époques. Il ne faut pas oublier qu’il a joué avec Dennis Brown et tellement d’autres légendes !
 
Le titre d’ouverture, « Tears », est le premier clip extrait de l’album et il aborde un thème plutôt dur… Peux-tu nous raconter l’histoire de ce morceau ?
Oui, c’est clair que c’est un thème dur et, en même temps, tellement présent. Qu’est ce qui est le plus dur ? Les mots qui décrivent la misère ou la misère elle-même ? Aucun mot ne peut représenter la dureté de la misère. Ce titre, par ses mots choquants, amène ce genre de questions, et c’était un peu le but. Je trouvais important d’aborder ce sujet. Avec ce titre, j’ai vraiment voulu que les personnes captent que la misère n’a pas de couleur, que l’on est tous en sursis…

Si tu devais choisir trois morceaux de l’album, ce serait lesquels et pourquoi ?
« Solid as a Rock » : je l’ai écrit en pensant aux personnes proches de moi qui sont issues d’une autre culture. Je trouve qu’on apprend tellement des échanges humains Même si je suis un grand déconneur, je me retrouve parfois étranger, même avec mes proches…« Daddy » : c’est un titre très personnel et, en même temps, qui peut toucher tellement de monde. Le fait de grandir sans sa mère, ou son père, comme ça a été le cas pour moi, est très difficile. Il faut se construire et vivre avec cette douleur, car la vie continue et qu’il faut avancer. « Maroon » : c’est le titre-phare de l’album. C’est un pont entre les Maroons du monde entier et l’Afrique, notre terre-mère. Il parle de leur histoire, mais aussi du lien étroit avec l ‘Afrique, d’où le featuring avec Djely Kani Kouyaté. C’est un titre avec un texte poignant et une rythmique très entraînante, pour faire ressortir le côté joyeux et dansant de nos tribus, qu’elles soient d’Afrique ou d’ailleurs.

Où peut-on se procurer Maroon ? Dans quel format ?
En digital sur toutes les plateformes de téléchargement légal et de streaming, en CD à la Fnac, et sur tous nos concerts, bien sûr !

Quel est le message que tu souhaites faire passer avec ta musique ?
L’optimisme ! Malgré les sujets que j’aborde, qui sont parfois durs, je souhaite rappeler au monde que les choses peuvent évoluer.

Sur quoi travailles-tu actuellement ?
Je bosse sur le show live avec mon groupe. J’ai envie d’apporter une vraie identité à mon live, qu’il représente Maroon à 100 %. Je suis aussi sur d’autres projets, en collaboration avec d’autres artistes…

Quels sont tes plans pour 2016 ?
Tout d’abord, défendre au maximum cet album sur les routes et aller à la rencontre du public, échanger et partager au maximum avec lui. Je suis tellement impatient d’avoir des retours concernant mon album ! J’aimerais aussi reprendre mon activité de beatmaker pour d'autres, car j’aime beaucoup composer. Mon souhait serait de composer un album tout entier pour un artiste qui me ferait confiance…

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #45 - décembre 2015/janvier 2016)

mercredi 16 mars 2016

I Woks Sound - Nouvelles Frontières

Au printemps 2014, le duo d’I Woks Sound sortait son premier album original, intitulé Sans Frontières. Pour les concerts qui ont suivi, Seb et Gérald s’entourent du Reggae Mylitis Band, haussant aussi d’un cran leurs prestations scéniques. Retour sur une année musicale bien rythmée.

Il y a un an et demi est sorti votre premier opus, Sans Frontières, après les street albums Histoire de Dire et Trankill. Quels en sont les souvenirs marquants ?
Concernant ce nouvel album Sans Frontières, il est évident que nous l’avons réalisé avec beaucoup plus de professionnalisme que les précédents. Que ce soit pour la partie musicale, l’écriture des textes et les thèmes abordés, ce projet devait asseoir nos dix ans d’exercice. Les moments passés avec les personnes qui ont participé à la confection des morceaux (Jah Gaia, Sugar Lady, Digital Cut, Kibaye, ManuDigital…) restent inoubliables ! Spécialement avec Tony Bakk de St. Etienne qui a géré la coordination générale du projet. Pour fêter la sortie de l’album, nous étions programmés au Fil de St. Etienne, en première partie de Barrington Levy, pour le City Youth Festival. C’était la première date du Sans Frontières Tour avec notre formule live band. Les CDs étaient arrivés la veille à la maison. Nous avions hâte de monter sur scène pour jouer nos nouveaux titres. La salle était pleine et l’ambiance incroyable !

Quels ont été les premiers retours que vous avez reçus sur l’album ?
Les premiers retours ont été très positifs. Nous avons eu de nombreuses critiques encourageantes venant des professionnels et de nos fans. Les nouveaux sons ont été bien reçus. Nous avions enfin des riddims personnalisés.

Avec un peu de recul, y a-t-il des choses que vous changeriez sur cet album ?
Nous avons mis environ un an à le réaliser, à suivre chaque étape de près. Avec le recul, on pourrait toujours y apporter des améliorations, mais nous sommes fiers du résultat dans l’ensemble.

Comment avez-vous préparé les concerts qui ont suivi ?
Nous nous sommes associés avec le Reggae Mylitis Band de Grenoble pour proposer un spectacle arrangé en mélangeant nos nouveaux titres avec les anciens. Nous avons beaucoup répété pour préparer au mieux cette tournée. Cette nouvelle façon de travailler, avec sept musiciens, nous donne de nombreuses possibilités artistiques et nous permet de proposer un rendu scénique de qualité.

Combien de dates avez-vous faites depuis la sortie de l’album ?
Depuis avril 2014, nous avons réalisé environ trente dates avec le groupe. De belles premières parties et des festivals un peu partout en France. Les demandes proviennent de tout horizon. Notre public s’agrandit et nos sons se diffusent de plus en plus.

Y a-t-il des titres que le public réclame davantage ?
Produire des clips a permis de mettre en avant certains morceaux.  « Asi Soy yo », « Passe-Temps », « Marie-Gwan » et « Une Seule vie » sont des morceaux qui sont attendus lors de nos concerts. Le titre « Toi Qui Me Juges », dont nous venons tout juste de sortir le clip, suscite également de l’intérêt. Le thème abordé parle aux gens, c’est un sujet d’actualité qui nous tient à cœur.

Comment se passe la collaboration avec les musiciens de Reggae Mylitis ?
Nous répétons ensemble très régulièrement depuis environ deux ans. Musicalement, on s’entend très bien. Ils ont directement capté la vibe I Woks et le show que nous souhaitions mettre en place. Et, sur le plan humain, la connexion s’est faite très vite. On est sur la même longueur d’ondes et on partage la même vision du développement du projet.

Vous qui avez beaucoup joué en sound system, qu’est-ce que ça vous fait de réaliser vos prestations avec des instruments live ?
C’est le kif ! Le spectacle est vraiment différent, il a beaucoup plus d’impact sur les grosses scènes, les sept musiciens donnent de l’ampleur au show. Nous travaillons avec une batterie hybride pour donner une couleur digitale aux morceaux et pour conserver une certaine puissance que l’on retrouve sur les faces B en sound system.

Quel regard portez-vous sur votre parcours depuis le début ?
Ça fait environ dix années que nous tournons. Pas facile de se lancer dans la musique en habitant tout là haut dans nos montagnes, surtout de profiter de diverses connexions en étant loin des grandes villes… Nous avons énormément travaillé ces cinq dernières années pour nous donner un maximum de chances de grandir. Nous sommes contents d’être arrivés à ce niveau et de jouer sur des scènes de plus en plus grandes !

Avez-vous travaillé sur d’autres projets parallèlement à la sortie de Sans Frontières ?
Ces projets parallèles aux albums sont indispensables pour garder un certain dynamisme de création. Nous avons enregistré sur différentes séries, comme le Génération H, Judain Town ou encore Structure riddim. En plus de ces titres, il y a eu plusieurs clips pour imager certains morceaux de l’album. Nous sommes partis quatre jours à Séville pour tourner « Asi Soy Yo ». Nous préparons actuellement une mini-tournée dans cette région de l’Espagne pour le mois d’avril prochain. Nous avons maintenant de très bons contacts sur place.

Quels sont vos projets pour 2016 ?
Bien évidemment, le but principal est de continuer à prendre et à donner du plaisir ! Nous allons continuer à défendre notre album Sans Frontières en live dans toute la France, mais aussi en Suisse et en Belgique. Nous travaillons activement pour être programmé sur les festivals de référence. En parallèle, nous réfléchissons tranquillement à la création de nouveaux morceaux. Nous récoltons les premières pré-prods pour nous donner des idées de thèmes et de couleurs de chansons…

Comment envisagez-vous la suite pour I Woks Sound ?
Notre plus grand souhait est de continuer à trouver des dates aux quatre coins de la France pour faire vivre notre musique et concrétiser les idées de tournée à l’étranger afin de continuer notre développement. Nous souhaitons multiplier les moments d’échange positif avec notre public, les artistes et les organisateurs, ce qui nourrira certainement nos prochaines compositions !

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #45 - décembre 2015/janvier 2016)

dimanche 13 mars 2016

Pungle Lions - Nouvelle Phaze

Le premier album de Pungle Lions, Round The Corner, est sorti en septembre dernier. Damny et Rouzman, anciens membres du groupe La Phaze, n’ont pas résisté à l’envie de démarrer un nouveau projet avec l’intention d’exprimer les inspirations musicales qui leur trottent inlassablement dans la tête. Rencontre avec Rouzman.

Que s’est-il passé pour vous à la mise en sommeil de La Phaze ?
Après des années passées sur les routes, nous avons pris le temps de nous poser un peu, de passer du temps chez nous, de réfléchir à ce que nous voulions et ne voulions plus faire… Quand tu arrêtes un projet qui t’as pris pas mal d’années, tu as besoin d’une petite période d’adaptation. Même si tu as muri l’idée depuis un petit moment, que tu t’es préparé à la fin de l’aventure, le jour où ça s’arrête, tu prends quand même un petit coup sur la tête. C’est ce que ressent n’importe quelle personne qui cesse une activité à laquelle il a consacré beaucoup de temps. D’une part, c’est excitant, parce que ça redonne du sang neuf, et, d’autre part, tu ne sais pas de quoi sera faite la suite… Vu le climat social et culturel en France en ce moment, il y a forcément une certaine appréhension.

Comment est née l’idée du groupe Pungle Lions ?
Après cette petite période de transition, nous avons eu envie de revenir à ce que nous savons faire et retrouver les personnes avec qui nous aimons le faire. Avec Damny, nous avons commencé à nous voir et à parler de ce qu’on faisait en ce moment. Nous avons décidé d’enregistrer un titre parmi quelques ébauches qu’avait Damny sur son ordinateur, sans prétention, ni ambition autre que celle de prendre du bon temps et d’essayer de faire un bon morceau. De là est venue l’idée de se voir une fois par mois – distance oblige, mais ça nous a permis aussi de démarrer en douceur – pour enregistrer à chaque fois un titre original et une reprise revisitée. Tout ça s’est fait dans le studio de Damny pour ensuite être poster gratuitement sur le Net.

Quelles ont été les premières compositions originales enregistrées en tant que Pungle Lions ?
La première a été « Oh The Light », qui faisait partie du matériel qu’avait Damny dans ses fichiers, et c’est sur ce titre que nous sommes tombés d’accord. Il collait à la vibe et à l’humeur dans lequel nous nous trouvions à ce moment-là. Ensuite, il y a eu « Pretty Gun » et « That’s Funny ».
  
Pourquoi avez-vous décidé de démarrer par une série de 45 tours digitaux en téléchargement ?
Nous avons gardé volontairement ce rendez-vous mensuel pour ne pas s’enfermer dans le studio et enquiller les titres les uns après les autres ! On ne voulait pas s’auto-influencer. Avec, à chaque fois, ce mois de recul, on revenait avec une certaine fraicheur et l’inspiration du moment. Ce qui explique la disparité entre certains morceaux. Il y a les morceaux d’hiver et les morceaux d’été ! (rires) L’idée du 45 tours, c’est un clin d’œil à notre côté old school. Nous nous revendiquons du rocksteady, du punk-rock, des sons qui circulaient beaucoup en 45 tours. En sortant deux titres à chaque fois, face A et face B, c’était le support idéal. Pour ce qui est du digital, il faut vivre avec son temps, comme on dit. C’était aussi la solution pour faire écouter nos chansons en quelques clics.

Peu de temps après est sorti l’EP That’s Funny. Etait-ce une étape nécessaire avant la préparation du premier album ?
En fait, c’était plus une stratégie du label que notre idée. Le disque était prêt avant qu’on ne signe, c’était un moyen de démarrer et d’officialiser notre collaboration avec Note A Bene.

Round The Corner est disponible depuis quelques mois. Quel est le fil conducteur de cet album ?
Nous avons voulu faire un disque agréable à écouter et qui soit assez frais. Avec La Phaze, le propos était engagé et axé sur le texte, la musique était aussi beaucoup plus agressive. Les textes de Round The Corner sont tout aussi importants, mais les choses sont racontées de manière plus positive, la musique beaucoup plus dansante et mid-tempo. Nous souhaitons que ce disque fasse un peu voyager l’auditeur, et, de préférence, au soleil !

Quelle est la particularité de votre musique selon toi ?
C’est une musique riche en influences. On y trouve du reggae, du rocksteady, du punk-rock, un côté hip-hop/électro dans la production… Bref, on a pioché dans notre discothèque d’ado jusqu’à aujourd’hui et essayé de synthétiser tout ça avec le son de la production actuelle.

Que représente pour vous cette nouvelle aventure musicale ?
Forcément, une certaine excitation, comme pour tout projet qui démarre ! On retrouve un côté instinctif, qui avait un peu disparu quand on enchaine beaucoup de concerts et plusieurs albums en dix ans. C’est très rafraichissant d’un point de vue artistique, et, d’un autre côté, nous savions que nous repartions de zéro, dans une période où le disque et le réseau de la musique en France ne se portent pas au mieux, dès que ça sort un peu des sentiers battus…

Que diriez-vous pour donner envie au public d’écouter Round The Corner et de venir vous voir en live ?
Soyez curieux, ne gobez pas forcément ce que vous balance les médias. Il n’y a pas que Maître Gims ou Christine and the Queens ! C’est sûr, il faut fouiller un peu, se déplacer, mais il y a plein de groupes qui s’autoproduisent et qui jouent tous les week-ends dans de petits endroits. Souvent, l’énergie y est très bonne. En ce qui nous concerne, nous essayons de balancer un set positif, dansant, dans la bonne humeur.

Comment se passent vos concerts ?
Pour cette année 2015, contrairement à l’année précédente, nous avons davantage axé le show sur le côté sound system. Nous avons décidé de dérouler le set comme le ferait un DJ. Nous avons amené de l’habillage, des samples, des riddims, des petits interludes… Nous sommes également passés à une basse séquencée, pour relever le côté électro, et avons pris un guitariste. Nous serons notamment au Rockers ont du Cœur, chez nous, à Nantes, le 12 décembre.

Quels sont vos plans pour 2016 ?
Vu que l’album vient tout juste de sortir, l’idéal serait de commencer par une belle tournée pour aller présenter ce disque un peu partout !

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #45 - décembre 2015/janvier 2016)

jeudi 10 mars 2016

Brain Damage - Echos de Jamaïque

Avec plus de quinze ans de musique au compteur, Brain Damage présente son onzième album, Walk The Walk. Cette fois, Martin a choisi de s’aventurer vers des sentiers plus roots qui l’ont conduit jusqu’en Jamaïque, s’offrant même la présence d’une poignée d’invités hautement respectables : Horace Andy, Willi Williams, Kiddus I, Winston McAnuff et Ras Michael.

Peux-te présenter rapidement, ainsi que ton parcours.
Martin, en charge du projet Brain Damage depuis 1998-1999.

Comment résumer autant d’années d’activisme en quelques phrases ?
Je dirais que le projet s’articule autour d’un style : le dub. Depuis toutes ces années, il y a pas mal de facettes du style qui ont été explorées. Au fil de onze albums, je me suis permis de prendre plusieurs directions qui ont pu surprendre certaines personnes parfois, et ajouter, sans prétention, ma patte au dub.

Comment résumerais-tu la discographie de Brain Damage ?
Le maître-mot serait « surprise », autour d’une seule ligne directrice, le dub. D’un album à l’autre, on peut changer complètement d’univers. Il y a eu une période avec des albums bien expérimentaux, d’autres qui sont plus tournés vers l’Angleterre et la manière anglaise de faire du dub… Là, plus récemment, j’ai eu la chance de me rendre en Jamaïque. Mes productions s’en trouvent donc bien plus roots. Pour résumer ma discographie, je dirais beaucoup de prise de risque, de remise en question et de changements de direction.

Ton nouvel album, Walk The Walk, est sorti le 16 octobre dernier. Comment le présentes-tu ?
Depuis un moment, j’avais l’intention de changer un peu mon fusil d’épaule et de faire quelque chose de plus roots, alors que j’ai évolué dans des univers plutôt froids et urbains jusque-là. J’ai essayé de réchauffer un peu le propos musical et, parallèlement, j’ai eu la chance d’aller en Jamaïque, grâce à Samuel Clayton Jr., qui m’a ouvert les portes du Harry J Studio, lieu mythique pour avoir vu passer d’immenses artistes, dont Bob Marley. Sam Clayton Jr. m’a aussi mis en contact avec les chanteurs de la génération qu’on voulait justement solliciter pour ce projet – et pas des moindres : Horace Andy, Willi Williams, Kiddus I, Winston McAnuff et Ras Michael. Voilà comment je présente l’album : musicalement, des sons plus roots, et la rencontre avec cinq légendes qui ont fait le reggae !

C’était réfléchi ou tout ça s’est fait de façon spontanée ?
Ce qui était réfléchi, c’est la couleur musicale, changer mon propos, mettre plus de mélodie, de chaleur dans ma musique. Le fait d’aller en Jamaïque également. Le fait de se concentrer sur cette génération-là, c’était aussi l’idée de départ. Après, sur qui on allait exactement tomber, qui allait être disponible sur la période où j’étais à Kingston, ce n’était pas gravé dans le marbre. On avait fait une liste de gens potentiellement intéressants pour le projet. Sam Clayton Jr. a tellement de contacts qu’il a pu me présenter à ceux qui sont présents sur l’album, ce qui correspond exactement à ce que je voulais ! J’ai été vraiment séduit par la fraîcheur de ces sessions studio avec des personnes qui ont cinquante ans de carrière derrière eux ! A chaque fois, ça a été émotionnellement très fort et artistiquement très riche.

Quand a eu lieu ce voyage en Jamaïque ?
En février. Je suis resté quinze jours sur l’île et, grosso modo, il y a eu un ou deux jours de travail avec chaque intervenant. Ils ont l’habitude de travailler très vite, avec un résultat très authentique. En Jamaïque, nous avons fait uniquement les prises de voix. Sinon, tout a été fait en France, chez moi, dans mon studio. L’album sera disponible en CD, en vinyle et en téléchargement, un peu partout dans le monde.

Y a-t-il une tournée de prévue ?
Oui, il y a une tournée qui a déjà commencé et qui se prolongera en 2016. J’assurerai les shows seul, comme je le fais souvent avec Brain Damage. Mais, autour de la sortie de l’album, je me suis permis de solliciter Willi Williams, qui va venir, sur une quinzaine de jours, soit huit dates, en passant par Paris et d’autres villes de province. N’hésitez pas à vous tenir au courant sur www.brain-damage.fr.

On peut dire que la scène dub est très active actuellement…
La scène dub est très active dans plusieurs pays et internationalement. On s’aperçoit qu’il y a eu un renouveau. Ça fait déjà une vingtaine d’années qu’il y a une bonne scène dub en France. Il y a eu une première génération, dont je fais partie, qui est née vers la fin des années 1990. Ensuite, une nouvelle génération est arrivée, qui proposait une autre approche du style, avec, notamment une explosion du sound system à la manière anglaise. Avec du recul, c’est assez stupéfiant de voir les évolutions et les échos que peut susciter le dub. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve…

Quels sont les projets que tu as, toi, en tête ?
Dans un premier temps, essentiellement, défendre cet album en live, seul ou avec Willi Williams. Il est question que je retourne en Jamaïque et, aussi, que je diffuse les versions dub des morceaux chantés qui sortent sur l’album.

As-tu des collaborations en vue pour la suite ?
Pour l’instant, c’est un peu tôt pour en parler… J’ai enchaîné énormément d’albums, de tournées, le projet avec High Tone, celui avec Vibronics, puis la tournée, qui a pris quand même deux ans, ce qui a abouti à un album, plus un album live… Le nouveau qui vient juste de sortir, un album dub sûrement après…  Je pense que je vais essayer de prendre un petit peu de temps pour assimiler ce que j’ai pu vivre ces dernières années, analyser les différentes cultures et approches du dub auxquelles on peut être confronter, que ce soit en France avec les High Tone, en Angleterre avec Vibronics, en Jamaïque avec le travail dont je viens de te parler. Il y aura forcément une suite à Brain Damage, mais je ne peux pas encore dire quelle forme elle prendra !

Que peut-on souhaiter pour la suite de Brain Damage ?
Continuer de faire ce que je fais le plus sereinement possible. C’est déjà un combat parce que c’est énormément de travail. Tout ce que je demande, c’est de pouvoir continuer à faire des albums et des tournées !

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #45 - décembre 2015/janvier 2016)