Lorsque l’on pense à Yaniss Odua, les titres qui surgissent à l’esprit fusent : de « La Caraïbe » à « Cool Higher » en passant par « Y en a Marre » en featuring avec Tiken Jah Fakoly, on ne se lasse pas de cet artiste incontournable de la scène reggae music.
Après une tournée sound system de plus de six mois, Yaniss Odua revient un peu sur son parcours et nous livre ce qu’il nous réserve pour cette nouvelle année.
Tout d’abord, qu’est-ce qui t’a motivé à faire de la musique ?
Mon cousin. Quand j’étais petit, vers 8 ans, il avait un sound system qui s’appelait Volcanic et moi, je le suivais. Je ne m’imaginais pas forcément sur scène mais j’aimais aller voir ses prestations. C’était en Martinique. J’étais le petit youth derrière lui. C’est ça qui m’a vraiment donné envie. Je me suis retrouvé pour la première fois sur scène un jour où j’étais allé le voir. Il venait de finir son show et il m’a tendu le micro.
Quels sont les artistes qui t’ont influencé ?
Daddy Irie, Tippa Irie, Papa San, Shabba Ranks. Niveau chanteur, Jacob Miller, Culture ou Lucky Dube.
Comment définirais-tu ta musique ? Rasta ?
Yeah, je suis rasta, oui ! Ma musique c’est une expérience personnelle partagée. J’aime chanter ce que je vis, tout simplement. Le message prime au final, donc si je dois définir ma musique, je dirais reggae kulcha !
Quelques mots sur le premier album qui t’a révélé « Yon Pa Yon »…
Mon premier album, c’est Little Yaniss, mais au niveau national, ça a été Yon Pa Yon. C’était une très bonne expérience. La rencontre avec le label, ensuite la major company et toute l’équipe qu’il y a autour. Avec une équipe comme ça, j’ai eu droit à une véritable exposition pour cet album.
Alors pourquoi ne pas avoir continué avec Sony ?
Tout simplement parce qu’au moment de la fusion entre Sony Music et BMG, leur label Small a été dissout, avec beaucoup de ses artistes en développement dont je faisais partie.
Ensuite il y a eu la création de Legalize Hits ?
Legalize Hits répondait a une nécessité de se structurer et de pouvoir être autonomes. Ca a été l’union avec Straïka, Matinda et Dalton, des personnes avec qui j’ai eu l’occasion de travailler énormément. On se connaissait déjà bien, on avançait vers les mêmes objectifs musicaux, donc on s’est dit pourquoi ne pas allier les forces. D’abord on a fait High Tunes en 2008, tous ensemble. Puis il y a eu le Hits 2 Hits de Straïka D, après le mien. Ensuite l’album d’Aka Koxx. Chacun d’entre nous a pu apprendre et progresser dans la production. Aujourd’hui, je me concentre justement sur la production de mon prochain album, alors j’ai mis un peu de côté le label pour le moment.
Alors, ton prochain album justement ?
Il avance petit à petit, ça prend forme. Comme c’est de l’autoproduction, ça prend plus de temps. Comme je disais, quand on travaille avec une grosse maison de disque, des équipes, des budgets, ça va beaucoup plus vite. Tandis que là, l’autoproduction, c’est déjà moins de moyens donc ça va moins vite. Mais on a la chance d’être très bien entouré et de bosser avec des personnes extrêmement compétentes, ce qui fait qu’au final, on arrive à travailler dans de très bonnes conditions au point de vue de l’artistique.
Ca se passe où ? En France ?
On alterne entre la France et la Jamaïque pour l’instant. On essaie de le finir pour la rentrée prochaine au plus tard.
Toujours dans le même esprit ?
Beaucoup plus reggae. Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’ai commencé à faire du dancehall. C’est beaucoup plus spontané. Ca va bien avec la jeunesse. C’est très… impulsif. On a une idée sur tout ou n’importe quoi, on fait un morceau dancehall. Mais un morceau reggae, il faut vraiment prendre plus de temps, c’est beaucoup plus réfléchi.
Ca signifie que tu es plus conscient maintenant ?
Pas spécialement plus conscient, mais je prends plus le temps de dire les choses. Dans mon show, je fais des anciens morceaux, très dancehall, très rapides, et plus ça va, plus mes morceaux sont posés, plus reggae. J’aime encore faire des morceaux dancehall ou même poser sur des riddims plus éclectiques, mais pour moi, c’est une évolution naturelle. Je pense que plus je vais grandir, plus mes morceaux seront roots. J’espère bien, j’aime bien cette idée !
Toujours en français et créole martiniquais ?
Français, créole, peut-être anglais. Comme c’est un album qu’on travaille sur la Jamaïque aussi, ils nous ont sollicités plusieurs fois pour des morceaux en anglais. Donc on s'est dit pourquoi ne pas essayer d'en faire, que ça pourrait peut-être toucher d'autres personnes si elles peuvent comprendre.
Que penses-tu de la scène francophone actuelle ?
Je trouve dommage qu’aujourd’hui la scène francophone ne soit pas prise au sérieux, à part deux-trois éléments qui arrivent à sortir du lot. La musique en général a pris un grand coup dans l’aile. Et comme le reggae n’avait pas spécialement une grande position, ça se voit un peu plus. Ce n’est pas une musique qui a toujours été reconnue à sa juste valeur. C‘est dommage que le grand public, en France, ait laissé mourir le reggae en même temps que Bob Marley, alors que le reggae a continué depuis. Il y a toujours les aficionados, ceux qui aiment le reggae, ceux qui écoutent, qui connaissent vraiment. Mais au niveau du grand public, dès qu’on leur parle reggae, c’est Bob Marley, ils ne connaissent pas beaucoup d’autres artistes… Jimmy Cliff, Alpha Blondy, maintenant Tiken Jah Fakoly. Mais, ils ne chercheront pas plus loin alors que pourtant, il y a vraiment un panel d’artistes dans le reggae ne serait-ce que caribéens et francophones, sans parler des artistes européens !
Et ton avis sur la scène jamaïcaine ? Beaucoup de dancehall actuellement…
Ouais, beaucoup de dancehall. Mais, ça ne m’étonne pas une fraction de seconde. Il y a un moment pour chaque style musical. Rarement les deux sont au top en même temps. Quand c’est reggae, c’est reggae ; quand c’est dancehall, c’est dancehall. En ce moment, c’est dancehall. Ca ne m’inquiète pas et ça ne m’étonne pas.
As-tu fait des featuring avec des artistes jamaïcains ?
J’en ai fait deux. Un avec Kymani Marley et un autre avec Sugar Minott, paix à son âme… Celui avec Sugar Minott n’est jamais sorti, il est dans ma bibliothèque perso. Avec Kymani Marley, c’était un morceau qu’il avait fait à la base sur son album Adelante. On l’avait mis sur le Hits 2 Hits puisque le principe était de regrouper un peu les morceaux sortis à droite, à gauche depuis 2002 que les gens n’avaient pas forcément. Le prochain sera un véritable album, avec la promotion qui va avec.
Quoi de prévu pour l’année 2011 ?
Pour les prochains mois, on est en tournée live avec E.Sy Kennenga, Maka Jah et Artikal Band. Ca s’appelle Caribbean Tour et ça démarre le 2 mars au Cabaret Sauvage. Ensuite, retour en studio et sortie de l’album, si Dieu veut !
Simba
(pour Reggae Vibes Magazine #16 - février/mars 2011)