lundi 11 mai 2015

Summerjam Festival - La vie de palmier

Le Summerjam Festival fête cette année ses 30 ans d’existence ! Mérité pour un événement devenu incontournable en Europe qui réunit, chaque année, des milliers de passionnés de reggae dans son cadre idyllique de Fühlinger See, à Cologne, pendant trois jours, le premier week-end de juillet.

Contour Music a été créé par Klaus Maack à la fin des années 1970. Très vite, le reggae devient l’objet principal de son attention. C’est en rencontrant les représentants du label jamaïcain Synergy, en 1985, Ronny Burke, Tony Johnson et Copeland Forbes, que l’envie émerge d’organiser un festival reggae en Allemagne. L’idée est simple : amener les vibrations caribéennes dans son pays. A cette époque, le reggae représente une toute petite niche dans le business de la musique. La première édition a lieu le 5 juillet 1986 à Loreley Amphi Théâtre, sous le nom de Jamaica Reggae Sunsplash, avec, comme programmation, Black Uhuru, The Wailers, Dennis Brown, Gil Scott Heron, Manu Dibango et d’autres. 8500 personnes répondent présents, encore loin de se douter que cet événement sera le premier d’une longue série… Klaus pressent d’ores et déjà que le festival est fait pour durer. Mais comment aurait-il pu imaginer fêter un jour ses trente ans ! En 1988, il est rebaptisé Loreley Summer Jam. La programmation des débuts regroupe uniquement des artistes jamaïcains et quelques uns africains. Puisque la nouvelle génération locale s’intéresse aussi de très près à ce courant musical, tout en se l’appropriant à sa sauce, il invite rapidement des artistes allemands à se produire sur le site d’origine du festival, à Loreley, comme Gentleman, Seeed, Sebastian Sturm… à l’aube de la notoriété qu’on leur connaît désormais. L’idée se propage ensuite de la même manière pour les autres pays européens et, en quelques années, le festival devient un véritable carrefour multiculturel, où se rejoignent toutes les routes du reggae, enrichissant sa programmation avec les styles hybrides, qui ajoutent une pointe de dancehall, hip-hop, électro, soul… En 1994 et 1995, le festival déménage à l’aéroport de Wildenrath et il rejoint, l’année suivante, son site actuel, à Cologne. En trente ans, ce sont près de 600 groupes qui ont joué au Summerjam ! S’il fallait résumer son esprit, il serait juste de dire qu’il s’agit d’une plateforme dédiée à a la musique reggae, qui permet d’y découvrir des nouveaux talents, comme d’apprécier des pointures du genre, dans les meilleures conditions possibles, et dans une ambiance des plus chaleureuses. L’équipe essaie constamment de rester à l’écoute des nouvelles vagues venues de Jamaïque, sans oublier les piliers et fondateurs. Et, puisque ça fait maintenant trois décennies que ça dure, son histoire traverse les générations, sans compter les incroyables souvenirs laissés dans les mémoires de tous ceux qui ont eu la chance de vivre ce festival. L’année dernière, 28000 pass trois jours ont été écoulés ! Une quarantaine d’artistes sont annoncés pour la trentième édition qui se déroulera début juillet : Damian Marley, Patrice, SOJA, Protoje, Tarrus Riley, Beres Hammond, Steel Pulse, Danakil, Yaniss Odua… L’organisation, on la doit donc à l’équipe de Contour Music, composée actuellement de Klaus Maack (direction et programmation), Carlos Zarmutek (administration), Sandra Borchard (secrétariat et communication web) ainsi que Alan Covic (programmation). En plus de ce grand événement, Contour Music produit toute l’année des tournées d’artistes reggae dans le monde entier. Leur seul souhait pour l’avenir se résume en deux mots : l’amour et la paix… C’est dire comme ils nous veulent du bien… Longue vie au Summerjam !

Simba

Toutes les informations sur : http://www.summerjam.de

(pour Reggae Vibes Magazine #40 - février/mars 2015)

jeudi 7 mai 2015

Taiwan MC - Strictly Killer

Un an et demi après la sortie de Heavy This Year, Taiwan MC est armé d’un nouvel EP, Diskodub, toujours chez Chinese Man Records. Pour fêter les dix ans d’existence du label, l’écurie a fait le tour de l’Hexagone avec des concerts chargés en dynamite, ce qui n’a pas empêché le MC de trouver le temps de préparer un cocktail musical aussi dévastateur que le précédent !

Comment se passe ton aventure avec l’équipe de Chinese Man ?
C’est vraiment agréable de travailler avec un label indépendant qui te laisse une grande part de créativité et te soutient dans tes choix, bien qu’ils soient certainement différents de ce qu’attendrait une major. C’était vraiment un honneur de faire partie de cette tournée incroyable pour les dix ans : on a joué dans les plus grandes salles et festivals en France ! Une expérience inoubliable. Beaucoup trop de folie épique pour résumer toute cette année en une seule phrase ! (rires)

Te voilà de retour avec un nouvel EP. Peux-tu nous présenter Diskodub ?
C’est mon second disque solo sur Chinese Man Records. Après Heavy This Year, qui était assez éclectique, ce nouveau projet est plus personnel, avec, pour fil conducteur, le reggae digital, hommage, entre autres, à Jammy’s, King Tubby, Bobby Digital… et également influencé par la funk et d’autres courants musicaux plus actuels.

Pourquoi avoir privilégié le format EP ?
Je préfère aller à l’essentiel, être satisfait de tous les morceaux : « No fillers, strictly killers ! ». (rires) Aussi, et surtout, parce que le projet initial était de sortir un maxi vinyle 45T pour avoir la meilleure qualité de pressage, et, de fait, limiter à trois ou quatre le nombre de morceaux par face.

Pourquoi l’avoir intitulé Diskodub ?
Quand j’ai fait le riddim qui est devenu « Diskodub », j’ai d’abord composé cette ligne de basse funky. Ensuite, j’ai rajouté le skank du synthé digital, posé sur une rythmique très minimaliste. Je me suis dit que c’était un mélange de styles plutôt intéressant. D’ailleurs, si on remonte dans le temps, dans les années 70 et 80, les producteurs de reggae jamaïcains ou anglais comme de funk/disco américains avaient tendance à utiliser les mêmes nouveautés, synthés, boîtes à rythmes et autres effets dub analogiques… C’est l’un des fils conducteurs de l’EP : l’interaction de plusieurs influences musicales, a priori définies comme étant de familles très différentes. L’orthographe, c’est parce qu’on est quand même très loin de l’univers musical que les gens associent habituellement au terme « disco » !

Diskodub a été produit et réalisé par Son Of A Pitch, avec qui tu avais déjà travaillé sur Heavy This Year. Qu’est-ce qui t’a poussé à lui confier ce projet ?
C'est avec lui que je travaille le plus souvent en studio. On a commencé à bosser ensemble il y a plus de cinq ans ! Il est arrangeur, beatmaker, musicien et DJ. Il est intervenu sur la composition, les enregistrements, c’est lui qui a fait le mixage de l’EP, et on fait aussi le live ensemble. C’est très intéressant et enrichissant de bosser avec lui.

On y trouve également des instrus de Dreadsquad et ManuDigital…
Sur ce disque, il y a un titre produit par Dreadsquad, qui est un producteur de reggae actuel que j’apprécie beaucoup. Manudigital a fait un wicked remix de « Blaze It Up » produit par Chinese Man, une dédicace à tous les « herboristes »…

Il paraît que tu t’es aussi mis à la composition…
C’est vrai, j’ai créé certains titres de ce nouvel EP. Ça faisait longtemps que je voulais sortir des instrus à moi. Là, c’était la bonne occasion !

A la différence de Heavy This Year qui accueillait de nombreux invités, on te retrouve cette fois en solo. Pourquoi ce choix ?
C’est à la fois une volonté et un hasard dicté par l’urgence. On a fait ce disque en même temps que la série de dates pour fêter les dix ans du label. On n’avait pas forcément autant de temps que pour le premier… Quand les morceaux étaient bien avancés et qu’on a commencé à penser à des featurings potentiels, on a vite réalisé que ça retarderait la sortie. C’était l‘occasion de faire mes preuves sur des titres entiers, avec couplets et refrains. Un exercice nouveau pour moi qui m’a vraiment fait avancer !

Depuis mi-septembre, Heavy This Year Remix est disponible sur le site du label en téléchargement gratuit. Qu’est-ce qui t’a donné envie de proposer une version remixée de l’intégralité de ce premier EP ?
Je souhaitais offrir des morceaux aux gens qui nous suivent, permettre à ceux d’Heavy This Year de circuler un peu sous d’autres formes, avec d’autres tempos. J’aime bien entendre des remixes de mes titres. On a beaucoup de gens dans notre entourage qui produisent et remixent, pourquoi ne pas mettre aussi leur travail en avant !

Quels styles ont donc été explorés pour les remixes ?
On a laissé libre cours à l’imagination des remixeurs : il y a Numa Crew, Jinx In Dub, Tom Fire, entre autres. On peut dire que c’est beaucoup le style bass music qui a été retenu, mais il y a de tout : ça va de la cumbia ultra dansante, au trap le plus dark en passant par la jungle oldschool ! Le mieux, c’est de l’écouter. Il est dispo en téléchargement libre sur le site du label et sur les différents réseaux sociaux.

Des concerts arrivent pour bientôt en France et en Europe. Que peux-tu nous en dire pour donner envie au public de venir te voir sur scène ?
Je dirais qu’il y a beaucoup de petites surprises en live. On essaie de faire des versions uniques des morceaux qu’on joue. Souvent, on en fait aussi des nouveaux, pour les tester, bien avant qu’ils ne sortent sur disque…

Quels sont tes projets pour 2015 ?
Plusieurs titres en téléchargement gratuit, de nombreuses collaborations, notamment sur le label de Son Of A Pitch, Audiolingus… Et un featuring pour le groupe de hip-hop Dirty Zoo, un autre pour un groupe de hip-hop instrumental français… Des concerts en France et en Europe, une tournée d’été avec Chinese Man, suivie de quelques mystérieuses dates parisiennes… Et, bien sûr, de nouveaux projets d’EP et d’album encore top secret !

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #40 - février/mars 2015)

samedi 2 mai 2015

Païaka - Avec le sourire

A l’été 2012, deux ans après la naissance du groupe, Païaka faisait son entrée avec un premier EP intitulé Red, suivi, début 2014, par son remix, Redder Than Red, issu de leur rencontre avec The Dub Shepherds. Les huit musiciens de Païaka continuent sur leur lancée avec la sortie de l’album Alive Anyway, fruit de leur détermination collective et d’un travail soigné. Entrevue – très conviviale – avec la formation auvergnate.

Le 26 janvier sort votre premier album, Alive Anyway. Comment s’est déroulée sa réalisation ?
Red était plutôt un recueil des deux premières années du groupe et on parlait déjà, à ce moment-là, du disque suivant. On voulait que ce soit un album réfléchi et abouti, avec une vraie esthétique et une cohérence entre les morceaux. En 2012, on a donc commencé à travailler sur de nouveaux riddims, parallèlement à la tournée de Red. Les premières sessions de la maquette ont débuté en 2013, on en a fait plusieurs sur l’année pour faire mûrir les compositions et les arrangements. En décembre 2013, on a démarré les premières sessions et, début 2014, on est entrés en studio pour les prises rythmiques définitives. De février à juin, on a enregistré les claviers, guitares, cuivres et percussions additionnelles, les chœurs et les voix lead. Le mixage a eu lieu en juillet/août 2014, et on a travaillé sur le mastering en septembre. L’objectif était de prendre le temps pour faire les meilleurs choix à chaque étape. Pour nous, Alive Anyway est l’aboutissement de deux années de recherche et de création, aussi bien identitaire que musicale.

Le titre est plutôt positif. Quel était l’état d’esprit du groupe à la naissance de ce projet ?
Le titre est tiré de la cinquième chanson de l’album, « One Man Is Smiling », qui parle de la chaleur que peut transmettre un sourire, à la fois simple et inexplicable. C’est aussi une sorte de synthèse de tous les sujets évoqués dans cet album. Beaucoup parlent d’une quête d’identité, individuelle ou collective, et notre recherche musicale va aussi dans ce sens. Chacun contribue à un monde rempli de diversités, de merveilles mais aussi d’atrocités. A partir de là, nos textes, qu’ils soient légers ou graves, sont optimistes sur notre monde et sa capacité à réagir face aux défis qui lui sont lancés.

Comment s’est répartie la composition des titres entre les membres du groupe ?
Dans Païaka, on a un processus de composition vraiment collectif. Produire un morceau est quelque chose d’assez long, d’autant plus qu’il faut que chacun des huit musiciens s’y retrouvent ! En période de création, il y a beaucoup de débats et d’argumentation, chacun se permet de donner son avis sur la partie des autres. On a toujours fonctionné ainsi, ce qui nous a appris à communiquer sainement et contribué à souder le groupe.

Où et avec qui a été enregistré l’album ?
Il a été enregistré à Improve Tone Studios, dans la campagne auvergnate. On connaissait bien les lieux, puisque c’est là qu’on a enregistré notre premier EP ! Le studio a été créé quasiment en même temps que le groupe. Il évolue au même rythme que nous et la relation avec le gérant est vraiment bonne. Pour les prises et le mixage, nous avons travaillé avec Antoine Aubert, notre ingénieur du son, qui a fait un boulot remarquable du début à la fin. Sur les prises, nous avons eu l’appui et l’expérience de Stéphane Blaëss (Fela Kuti, No More Babylon…).

Le premier extrait, « Like A Candle », est disponible en single et en clip depuis le 24 novembre. Que raconte ce morceau ? Pourquoi ce choix d’un clip réalisé en plan-séquence ?
Notre vie, on la voit dans le prisme de la musique depuis deux ou trois ans maintenant, et peu importe ce qu’en disent les autres, les remarques, les critiques et les obstacles… Ce que nous voulons, c’est profiter de cette chance de pouvoir vivre de sa passion. Nous faisons beaucoup de sacrifices pour cela, passons beaucoup de temps sur les routes, en répétition, en résidence, en studio… Le temps passe très vite quand tu as ce rythme de vie, tu ne t’économises pas. Un peu comme une bougie : plus la flamme est belle, plus la mèche se consume. On assume ce choix et c’est ce qu’explique « Like A Candle ». En racontant l’histoire de la chanson à Alice, la réalisatrice, nous avons décidé de filmer le processus de création d’un morceau, de l’idée de départ jusqu’au concert. Le plan-séquence était évident. Pas de montage, pas de retouche ! Nous avons aimé soigner les détails, quitte à ne pas se simplifier la vie. Si tu regardes le clip, on change de vêtements à chaque scène, ce qui est une petite performance pour un plan-séquence !

Pourquoi avoir illustré la pochette de l’album avec le dessin d’une main colorée ?
Une main colorée… et ouverte ! On voulait mettre en image ce concept d’appartenance au monde vivant et à l’humanité. On a beaucoup discuté avec Lucie Auclair (artwork) et Quentin Pigeat (infographie) avant de les lancer sur le projet. Il y a eu un vrai travail d’équipe, d’échange et de réflexion.  Au final, cette main était une proposition de leur part, qui a tout de suite fait l’unanimité dans le groupe. Ils ont fait un super boulot sur cette pochette !

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Sur les arrangements live des nouveaux titres, pour que les morceaux soient percutants en concert. Nous allons aussi chercher à mettre en avant chacun des musiciens et profiter du projet dub Redder Than Red pour aller plus loin dans les effets. Nous entrons d’ailleurs bientôt en résidence pour finaliser ce boulot. Nous avons vraiment hâte de repartir en tournée ! Sinon, nous projetons de travailler sur un second clip. Il est aussi question d’un vinyle avec des remixes ou des versions dubs… Bien sûr, nous pensons déjà au prochain album, c’est plus fort que nous !

Le mot de la fin ?
Nous remercions tous les gens qui militent et défendent la culture, car beaucoup de choses changent en ce moment. En tant que moyen d’expression, elle est et sera toujours menacée. Nous remercions tous ceux qui s’intéressent, la défendent, la mettent en lumière, et qui vivent à travers elle. Big up à tous les lecteurs de Reggae Vibes !

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #40 - février/mars 2015)