vendredi 30 mai 2014

Fleuve Congo

Du nouveau chez nos voisins suisses avec la sortie du cinquième album de Fleuve Congo, Elixir. Depuis la naissance du groupe, en 1987, à l’initiative de Nicolas Lorétan, accompagné de trois de ses frères, pour un projet initial punk-musette, le style et la forme ont évolué, sacralisant la filiation reggae devant tout autre.
Le nom du groupe vient de celui d’un « mayen », bâtisse où a eu lieu leurs premières répétitions, en pleine montagne, sur l’étage intermédiaire entre villages et alpages, là où se nourrissent les vaches. Le premier album de Fleuve Congo, Numéro 1, a été enregistré en 1994, et une décennie le sépare du second, Welcome To Zouavia, opus sur lequel Chantal, Manu et Salvo font leur apparition. En 2007, avec La Smaïlà, s’ajoutent Laurent et Fabian, et, trois ans plus tard, le quatrième album, Airlines, accueille Lucas. Voilà réunit l’équipe actuelle de Fleuve Congo, qui se considère davantage comme un collectif : Nicolas Lorétan (guitares, voix, chœurs), Chantal Glassier (voix, chœurs), Manu Amoos (trombone), Salvo Vaucher (trompette), Laurent Moulin (claviers), Fabian Chevalley (basse), Lucas De Preux (batterie, chœurs) et Manu Monnet (percussions, chœurs). Elixir, dont ils ont commencé la composition fin 2009, a été enregistré au Grooveharmony Studio avec l’ingénieur du son Mister B. et mixé par Jim Fox, à Washington. Le visuel de la pochette, représentant une construction mi-organique mi-mécanique, symbole du cheminement entre la perception, l’assimilation et la reproduction sonore, a été réalisé par Lionel Gaillard des ateliers graphiques Badaboum. « Nous ressentons cet album comme le résultat d’explorations et d’essais. Nous cherchions inlassablement une alchimie des sons, en restant très à l’écoute les uns des autres. Pour prendre une image, c’était comme une distillation. Il en résulte une musique qui devient alors un baume, un élixir, à partager… » Les concerts de Fleuve Congo, enrichis d’une ambitieuse mise en scène et de costumes, ne manquent pas d’énergie. Ses musiciens sont impatients de vous faire partager leur nouvelle potion éminemment addictive…

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #35 - avril/mai 2014)

lundi 19 mai 2014

L'OstraClash #1 - Raggadikal Sound vs Life n Creation (05 avril 2014 - L'Ostra - Nancy)

En parcourant l’histoire du reggae music et du sound system, le clash est une tradition jamaïcaine pleine de sens. Pour une première à Nancy, notre Irie Crew proposait d’orchestrer l’affrontement en règle de deux sound systems actifs de la région Est : Raggadikal Sound et Life n Creation. Il va sans dire qu’un clash implique de faire place aux fameuses dubplates, tous deux étant équipés en la matière, pour cette rencontre, le samedi 5 avril, lors de cette première édition de l’OstraClash. En effet, la guerre musicale est prévue dans les lieux où nous sommes conviés, une fois par mois, depuis environ un an, pour danser sur du reggae dancehall, de minuit à l’aube, et passer un bon moment, en compagnie d’Irie Crew et de Selecta Mao. Avec cette programmation clash, l’évènement est différent : en plus d’être le rendez-vous de bonnes vibrations, la culture musicale et sa transmission ne sont pas en reste.
A partir de 23h, l’Ostra se tient prêt, avec, bien sûr, un large warm up assuré par Irie Crew pour se mettre en jambe, avant d’assister à cette confrontation. Juste ce qu’il faut pour laisser les habitués, curieux, et autres électrons libres, arriver et se mettre bien…

T-zion et Smocky se chargent d’animer et gérer le déroulement du tournoi qui va suivre. Après un tirage au sort, Natural Mat, qui représente Raggadikal, choisit de prendre les devants.
Pour le premier round, chaque sound dispose de 20 minutes pour jouer librement les titres de son choix, single ou dubplate. Natural Mat commence par présenter son sound avec deux exclusifs, « Reggae Music » de Lord Bitum, le fondateur de Raggadikal, et Sound Dynamik, avant d’enchaîner quelques titres aux paroles de circonstance : Peter Tosh « Stepping Razor », Chronixx « Here Comes Trouble », Conroy Smith « Dangerous », Skarra Mucci refix Ken Boothe « When I Fall In Love », Cocoa Tea « No Threat », Tenor Saw « Ring The Alarm »… Il s’adresse ensuite à ses adversaires, avec des morceaux choisis spécialement pour chacun d’eux, et des commentaires qui en disent long : The Gladiators « Chatty Chatty Mouth », Konshens & Tarrus Riley « Imposta », quelques titres sur le Stop That Sound riddim de Irie Ites (Sizzla « Hypocrites », Skarra Mucci & Perfect « Bombooclat »…), Buju Banton « Man Fi Dead » puis « Talk To Me », Perfect « Nuh Badda Mi », Skarra Mucci « Murda Dem » sur le Sleng Teng… Déjà près d’une vingtaine de titres parcourus, et plus que quelques minutes, le moment d’en placer quelques uns de haut niveau, juste après un dubplate de TOK, témoignant des dangers auxquels s’expose Life n Creation ce soir : Cutty Ranks « Limb by Limb », Ini Kamoze « Here Comes The Hotstepper », Ninjaman « Ninja Mi Ninja », Bunji Garlin « Fire Fi Dem » et enfin, TOK « Dem Diss ».

Le temps imparti est écoulé, même légèrement dépassé, c’est au tour de Life n Creation de montrer ce qu’ils ont dans le ventre, avec Lychar, Leev’Up et Revolution au contrôle. Même s’ils auraient aimé être muni de leur box de vinyls ce soir, ce n’est pas ça qui risque de les arrêter. James Brown « This Is A Man’s World » ouvre le set, suivi de Bob Marley « Mr Brown », Desmond Dekker « Shanty Town (007) », et puisqu’ils souhaitent consacrer ce premier tour aux artistes disparus et remonter dans le temps, sont aussi de la partie Junior Murvin, en version dubplate, puis Peter Tosh « Oh Bumbo Klaat », Dennis Brown « Revolution », un spécial de Sugar Minott, Nitty Gritty « Ready Done », Joseph Hill de Culture « Policeman », Tenor Saw « Golden Hen », Wayne Smith « Under Mi Sleng Teng », un remarquable dubplate de John Wayne « Call The Police », et même Junior Byles « Fade Away » – qui s’est malencontreusement glissé dans cette sélection. Garnett Silk « Complain » et un émouvant spécial Matthew McAnuff « Be Careful » clôturent la session de Life n Creation. Avec plus d’une quinzaine de titres, le sound strasbourgeois a mis à l’honneur les fondations, tout en montrant à Raggadikal que la suite ne leur fait pas peur.

Second round, exclusivement dubplates, durée 15 minutes. Natural Mat commence par reprendre Life n Creation, en jouant un « Revolution » devenu « Execution », chanté par Leah Rosier – nommé counteraction – car ce soir il est question d’exécution et non de révolution. Alborosie « Herbalist » prône « Raggadikal Kill Another Sound » en dubplate des plus massifs, avant une lourde série sur le Intercom riddim qui ne peut que faire des ravages : Reggie Stepper « Cu-Oonuh », Burro Banton « Badder Den Dem », Kabaka Pyramid… Johnny Osbourne « Budy Bye » sur le Sleng Teng riddim, Sizzla « Solid as a Rock », General Levy sur le Belly Ska riddim, puis Lord Bitum sur le Screw Dem, poursuivent dans la même trempe. En conclusion, ce sont des lyrics francophones de Datune et Lord Bitum, ce dernier ne se privant pas de s’adresser directement à Life n Creation. Voilà douze dubplates ou un petit aperçu de ce que Raggadikal a dans ses dossiers.

Life n Creation est prêt à répondre. Ils démarrent ostensiblement avec un spécial Capleton, The Fayaman, « Stand Tall », suivi par Tarrus Riley « Protect Yuh Neck », Al Campbell & Trinity « Hypocrites », puis Michael Rose, confirmant le niveau avec Gyptian « Beng Beng », Terror Fabulous « Gangster’s Anthem », Admiral Tibet « Serious Time », Ward 21 « See Them Run » sur le Man Fi Dead riddim, Anthony B « Police », Mad Cobra… Les classiques de Burro Banton et Reggie Stepper refont surface, tant ils sont indispensables et toujours à point, arrivant sur Sister Nancy « Bam Bam » chaudement amené, puis deux dubplates français, aussi très explicites, dont Straïka D sur le Golden Hen riddim. Les règles définies pour ce clash ne mentionnant pas la question du replay, nos hôtes admettent qu’il est inutile d’en tenir compte ici. Life n Creation vient de jouer quinze dubplates de taille. Il reste encore un round, ainsi que le dub fi dub…

Troisième round, exclusivement dubplates, à nouveau, 15 minutes. Raggadikal s’arrête sur le manque d’originalité de Life n Creation, en introduisant Romain Virgo « The System » et l’essentiel « Who Feels It Knows It ». Tarrus Riley « We Nah Sorry » et Virtus « Take Care », tous deux sur le Fade Away riddim, sont exactement dans l’esprit de ce qui est en train de se passer sur place, appuyés par le grand Barrington Levi « Murderer », Kelsey pour un cover taillé sur mesure de Lorde « Royals », puis Skarra Mucci « Raggamuffin », Bounty Killer « Look Into My Eyes », un démentiel Lieutenant Stitchie, et même Supa Bassie en espagnol. Le final est confié à Elephant Man, The Energy God, « Die By Gun », sur l’incontournable Bumaye riddim de Major Lazer, execution time, voilà qui est dit.

Malgré tout ça, Life n Creation est encore bien armé, ouvrant leur jeu avec un original featuring Duane Stephenson & I Octane, Capleton sur le Ganja Farmer riddim, Luciano « Stay Away » sur le Doctor’s Darling riddim et Fantan Mojah « Corruption », avant un passage francophone, avec Tribuman, Don Valdes… précisément adressée à Raggadikal, ou Raggadicule… Pour finir, Million Stylez arrive pour un spécial « Miss Fatty » bien relevé qui donne « Life n Creation Yu A Murdah », auquel le Baddaz riddim succède à la perfection pour achever le second quart d’heure dubplates de Life n Creation.

Deuxième round dubplate terminé, il ne reste maintenant plus que le dub fi dub, avant de laisser le public faire son choix. Pour le dub fi dub, la tradition veut que chaque sound joue à son tour un dubplate roots foundation. Il ne reste plus que cinq dubplates chacun, dix en tout, avant le verdict.
Le premier pour Raggadikal est Toots & The Maytals « 54-46 », auquel Life n Creation répond avec The Slickers « Johnny Too Bad ». Un « Friday Night » de John Holt pour Raggadikal, contre un autre John Holt pour Life n Creation. Un Bunny Wailer « Run For Cover » de haut niveau, contre un Lloyd Parks qui parle de Creation « Mafia ». Raggadikal joue Luciano « Serve Jah », que Life n Creation évince avec un original rocksteady, bien plus foundation. Et, pour le tout dernier dub, Raggadikal amène une nominative de Horace Andy « Skylarking », tandis que Life n Creation clôture par The Abyssinians « Satta Massa Gana » !

A ce moment-là, alors que cela fait déjà plus de deux heures qu’ils nous livrent sur un plateau les pépites du reggae précieusement collectées, le vote n’est plus très loin. On peut déjà reconnaître que les deux sound systems présents se sont dignement affrontés, et que dans tous les cas, le grand gagnant de ce soir est bien reggae music. Si chaque big tune avait un poids réel, la sélection de ce soir dépasserait toute attente ! Big up à Irie Crew, Raggadikal Sound, Life n Creation et tous les massives !
Smocky et T-zion lancent le vote, tenant compte du nombre de mains levées. La salle est appelée à se séparer en deux : à droite, ceux qui votent pour Raggadikal, à gauche Life n Creation. Beaucoup ne sauraient les départager… Pour marquer cette victoire, la récompense prend la forme d’un trophée et, bien sûr, le plaisir de jouer au côté d’Irie Crew jusqu’à la fermeture des portes. Raggadikal l’emporte aux nombres de voies, d’une petite poignée, et se retrouve donc vainqueur du premier OstraClash !

C’était un évènement inratable à Nancy et le mieux est encore d’écouter ou réécouter l’audio : http://www.mixcloud.com/iriecrew/05042014-ostraclash-1-raggadikal-vs-life-creation/

Simba

(pour Reggae-Est.fr)

vendredi 16 mai 2014

The Grinders - Under Arrest

Disponible le 2 juin, le nouvel album concocté par The Grinders s’intitule Under Arrest, dépassant aussi simplement la limite du pré-établi et du conditionné dans la sphère musicale que dans la réalité, et à grand renfort d’authenticité !

Avec Under Arrest, le duo allumé de The Grinders, qui ne connaît rien de mieux au monde que de mixer et mélanger rythmes et sonorités jusqu’à ce que la sauce monte, va encore plus loin ! Toujours aussi inspirés par les fondations, le reggae-rub-a-dub dans toute sa profondeur, U-Man et Chalice Cooper n’ont vu aucune limite poindre à l’horizon, saupoudrant leurs inspirations musicales d’une touche de modernité bien relevée.

Under Arrest accueille quelques voix de circonstance, qui ne pouvaient pas manquer à l’appel, et à qui il va si bien de prendre le micro sur de pareilles instrus :
Le réputé MC anglais Tippa Irie (« Mama »), suivi par le spirituel jamaïcain Abajonai (« Life Goes On »), le charme féminin de Lady Ann (« Mi Mon »), l’un des maîtres incontestable du rub-a-dub Ranking Joe (« Hot »), leur acolyte de longue date Squidly Cole, en solo (« Lots of Love »), ainsi qu’accompagné de Tabby Diamond (« Riddim is the Lifeline »), et au côté de Sizzla sur le dub remix du « Can’t Sit Down » de U-Man qu’on retrouvait sur Folks Riddim.

En bon retour à l’essentiel, les versions dub se sont glissées dans la tracklist, aussi élémentaires que les originales. Celles de « Mama », « Mi Mon », « Hot », et de deux titres tirés de U-Brown meets The Grinders : Let’s Keep On Jammin, sorti en 2013 : « Trample Down Babylon » et « Come Let Me Rock You ».

Voilà tous les bons ingrédients contenus dans ce Under Arrest de The Grinders !
Disponible en CD et en téléchargement.

https://soundcloud.com/down-the-bush-records

(pour Down The Bush Records)