vendredi 30 janvier 2015

Zenzile

Les cinq musiciens de Zenzile sont de retour avec un nouvel album, Berlin, le dixième à leur actif en presque vingt ans ! Inspiré du film de Walther Ruttmann de 1927, Berlin, La Symphonie d’une grande ville, ce nouvel opus est tiré de leur seconde expérience de ciné-concert, quatre ans après Le Cabinet du Dr Caligari.
« Cette bande son est notre deuxième expérience de composition pour un ciné-concert. Comme la première, il s'agit d'une proposition du festival européen de premiers films Premiers Plans, à Angers. Berlin, La Symphonie d'une grande ville nous a été proposé par Xavier Massé, administrateur du festival. C'est un film qui a une identité graphique forte, un montage aux rythmes tantôt lents, tantôt rapides, et qui, de par son sujet, le déroulement d'une journée à Berlin, offre une grande variété d'images, riches en inspiration (le train qui file dans la campagne allemande avant d'arriver en ville, les rues désertes qui se remplissent petit à petit de travailleurs jusqu'à former un flot qui entre dans les usines, les chaînes de montages automatisées qui se mettent en branle, la juxtaposition de l'opulence et de la pauvreté…). Pour notre première expérience de ciné-concert, Le Cabinet du Dr Caligari, nous avions voulu nous mettre totalement au service du film, en jouant dos au public, peu éclairés, afin que l'audience soit totalement plongée dans l'intrigue. Cette fois-ci, nous cherchions un film nous permettant de créer une relation différente. Berlin, par son absence de scénario, au sens narratif du terme, permet au spectateur de naviguer entre l'écran et la scène, de se concentrer sur le film ou sur les musiciens, sans perdre complètement le fil. Après l’avoir visionné plusieurs fois sans sa musique originelle, ensemble et individuellement, notre premier axe de recherche a été le krautrock, mouvement musical allemand né à la fin des années 60, comme point de départ, et pas nécessairement comme crédo immuable à tenir pour toute la musique à composer. Nous avons ensuite jammé et développé les idées que chacun avait. Lorsque celles-ci étaient assez nombreuses et suffisamment avancées, nous avons commencé à visualiser le film, le découper en séquences, et y poser notre musique. Il y a évidemment une recherche de correspondance entre la tonalité de l'action et la couleur musicale, mais aussi une recherche de tempo par rapport au montage des images. Le premier ciné-concert a eu lieu lors du festival Premiers Plans au Chabada d'Angers, en janvier 2014. Nous l'avons ensuite joué en février à Vannes dans un multiplexe, en mai à Stéréolux à Nantes, puis à Lille. L’accueil a été très enthousiaste lors de ces quatre représentations ! Nous avons différents retours du public : certains ne décrochent pas du film, d'autres font des allers-retours entre l’écran et les musiciens, et d'autres sont plongés dans le concert. C'est vraiment ce que nous avons cherché à créer : un dialogue entre le film, le groupe et le public. Ensuite, l'idée était de faire un album qui puisse s'écouter indépendamment du film. Nous avons donc adapté certaines structures des morceaux, et, pour d'autres, ajouter des idées. Quelques uns sont restés identiques, et seul un titre n'a pas trouvé sa place sur l'album. Berlin est sorti le 27 octobre dernier, nous allons maintenant le défendre sur scène ! »

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine #39 - décembre 2014/janvier 2015)

lundi 19 janvier 2015

Sista Jahan - Inv-Itation


Parmi les sorties de ce début d’année qu’on ne peut que conseiller, on trouve l’EP de Sista Jahan intitulé Inv-Itation. Sept titres portés par la voix de la belle chanteuse, en français et en créole, regorgeant de positivité et de bienveillance, à propos de l’existence humaine et du monde actuel, soutenus par un reggae roots à la fois apaisant et entraînant…
Pour saisir tout l’esprit de ce projet, Sista Jahan confie l’histoire et l’inspiration de chacun des titres qui compose cette Inv-Itation.

« On trouve trois compositeurs sur ce projet. J’ai fait appel à Coco Roots, un beatmaker que j’ai rencontré par le biais d’un ami, Supa Dona, qui est aussi chanteur. Il est à l’origine de cinq des instrumentaux.
1) Inv-Itation parle d'amour, car nous en avons tous besoin. Peu importe d’où l’on vient sur la planète Terre. C’est une chanson où je parle de ma foi et où j'invite chacun à rentrer en connexion avec Jah, source de la Création, par la prière, les louanges…
2) Qu’Attendons-Nous ? questionne les locataires de la Terre, afin de réveiller en nous une conscience positive, qui nous éloigne de cette voie d’extinction dans laquelle nous nous engageons et qui peut mener à la perte de l’humanité…
3) Manman Ek Papa s'adresse aux mères, et aux pères, qui assument leurs responsabilités et ont conscience que l’amour qu'ils offrent à leurs enfants est nécessaire à leur équilibre psychique, qu’ils soient ensemble ou non. C’est une chanson dans laquelle je parle à mon fils, et où je remercie aussi ma mère et mon père, peu importe les manquements qu’ils ont pu avoir à mon égard. Pour moi, la famille est sacrée. Nul n’est parfait et chacun suit un plan divin et unique dans son cheminement ici-bas.
4) Négrèssemen ‘Fyè Pour cette chanson, j’ai fait la rencontre de Régis Tareau par le biais de mon cousin. Il a composé la version à partir d’un accapella de ma voix. Je revendique et assume mon identité terrestre et culturelle en tant qu'enfants de la diaspora africaine avec fierté. Cependant, j’exprime le fait qu'il y a beaucoup de division au sein même de cette diaspora… Les Antillais qui ne reconnaissent pas leurs ancêtres d'Afrique et les natifs africains qui ne reconnaissent pas les Antillais comme leurs frères… Je mets le doigt sur un sujet qui fâche, questionne, offusque, voir offense certains : l'esclavage. Un génocide humain très souvent dédramatisé, survolé, et peu abordé par les médias, par les hommes politiques. Beaucoup ne comprennent toujours pas pourquoi des actes de barbaries, de tortures, de crimes, ont été commis sur un peuple que l’on positionne encore en infériorité à cause de la couleur de sa peau. Nous venons tous de quelque part. Mes ancêtres sont africains et mes racines contribuent à mon existence sur Terre. Beaucoup de communautés ou de personnes isolées en souffrent encore à l’heure actuelle et c’est bien réel. Les Africains subissent, les Indiens, les Maghrébins, les Français, les Juifs, les Asiatiques subissent encore aujourd'hui… A nous de savoir ce que nous souhaitons laisser comme histoire à nos enfants. Ce qu’il importe de comprendre, c’est que chacun est une richesse dans le tout. Nous sommes ce que nous décidons d’être dans cette vie, à travers nos choix. Le soleil brille pour tous, tout comme l’amour n’a pas de couleurs. C’est aussi un morceau que j’ai fait pour sensibiliser certains Antillais au fait de s’approprier leur histoire, au lieu d’en faire un prétexte pour faire n’importe quoi et agir mal envers son prochain. Et aussi, pour certains Natifs d’Afrique qui perçoivent les Antillais comme des « vendus » et ne les reconnaissent pas comme les leurs. C’est une réalité que je vis. C’est par ses actions que l’on reconnaît un homme juste… Alors, que tu sois noir ou blanc, croyant ou athée, sois fier de qui tu es et, si tu ne l’es pas, cherche le meilleur qui vit en toi.
5) Relations humaines Sur cette chanson, j’ai fait appel à Selekta Kaprisson du Full Hundred Sound avec qui je travaille depuis mes premiers pas en sound system et qui m’a toujours soutenue. Le titre parle de lui-même : l’art de communiquer positivement et sincèrement n’est pas inné. C’est un texte qui parle de relations humaines et de cette difficulté que nous rencontrons parfois dans la communication. J’y exprime un ressenti personnel, qui peut parler à toute personne étant confrontée à la déception d’un être qui lui est cher. Je parle de l’importance d’être vrai avec soi-même pour l’être avec les autres, ce qui aide à lutter contre la tristesse, éviter les conflits et les pertes de temps inutiles… A quoi cela sert-il de faire semblant, si ce n’est se mentir à soi-même et se créer des maux ? Au fond, je sais que nous aspirons au meilleur pour nos vies. C’est un des morceaux du projet qui a peut-être déjà été entendu par les personnes qui suivent mon travail. Je l’avais interprété à la base sur une version instrumentale rap d’une chanson de Booba. Je tenais à partager ce message qui nous touche tous dans nos relations avec nos proches, dans le monde du travail, dans les rencontres sociales que nous pouvons faire... Entre amour véritable et amour intéressée, il y a un grand fossé. Je l’ai peaufiné et réadapté sur la version de Kaprisson.
6) Agir est un morceau qui dénonce l'oppression, la guerre, l'injustice, la corruption… Il aspire à voir l’unité entre les êtres humains. Le respect de la différence, le respect du souffle de vie que Jah a placé en chacun, agir pour nos droits, pour notre vie, notre liberté, car nous sommes tous victimes d'un système capitaliste… Sans action, rien ne se peut matérialiser concrètement !
7) Rester Positif contient un message qui redonne espoir quand on pense l’avoir perdu. L’idée est que ceux qui écoutent cette chanson puissent retrouver le sourire, saisir le sens de la vie, tirer des leçons de chaque expérience, trouver la force de lutter malgré l’adversité, préserver la joie et profiter de chaque instant, en s’entourant de personnes qui veulent notre bien-être et non le contraire… car nous apprenons tous des uns des autres, et de tout ce que nous vivons. »
Bonne écoute !

Simba