lundi 9 décembre 2019

Nai-Jah - Interview

Lentement mais sûrement, le groupe Nai-Jah vient enfin de sortir son premier album, Masquerades, au style afro-roots, chez Khanti Records. Rencontre avec Mahakwe Wadike, le chanteur, d’origine nigériane, pour parler musique et inspiration.

Quand et comment est né le groupe Nai-Jah ?
A mon arrivée en France, en 2006, j'ai commencé à écrire et à composer des morceaux en guitare-voix. Quelques années plus tard, en 2010, j'ai créé le groupe Nai-Jah. Nous étions deux, puis nous avons vite pris un tuba à la place de la basse. Le groupe est aujourd'hui composé de cinq musiciens : Nicolas Delaunay à la batterie et aux chœurs, Raphaël Macler aux claviers et aux chœurs, Gordon Tian à la guitare et aux chœurs, Guillaume Monier au soubassophone, et moi-même, Mahakwe Wadike, au chant et à la guitare.

Votre musique est à la fois reggae et world. Quelles sont vos influences musicales ?
Mon père est un grand fan de reggae roots, comme Burning Spear, Third World, Twinkle Brothers et beaucoup d'autres… Ma mère écoute énormément de chanson française, Georges Brassens, Yves Montand, Jacques Brel… En grandissant au Nigeria, j'ai été exposé aux musiques traditionnelles, avec mon père qui est igbo, et des artistes comme Prince Nico Mbarga, Orlando Julius, Oliver de Coque… mais aussi d'autres plus connus, comme Fela Kuti ou encore King Sunny Ade. A l'école, tous les matins, on chantait des hymnes religieux. J'ai donc beaucoup d'influences musicales.

D’où vient le nom Nai-Jah ? Que signifie-t-il ?
« Naija » est le mot qu'on utilise pour désigner le Nigeria, en pidgin english, une sorte de créole anglais. Le terme « Jah » fait référence à Jehovah, Yahvé, Dieu. Le Nigeria est un pays très religieux, et parfois les croyances y sont illusoires… C’est aussi un pays malheureusement très corrompu et pauvre… En utilisant ce jeu de mot, entre le Nigeria et Dieu, je questionne son fonctionnement. Allons-nous prier Dieu pour qu'il aide notre pays ou allons-nous prendre notre pays en main pour le faire avancer ?

Que s’est-il passé pour le groupe au cours de toutes ces années ?
Nous avons sorti deux EPs. Le premier, A Few Miles Away, est sorti en 2011. Nous étions en formule trio, sur un EP aux sonorités vraiment très acoustiques. Le deuxième, Soldier Man, a été publié en 2014, avec une guitare électrique, des chœurs et des sons plus travaillés. Notre dernier album en date, Masquerades, est sorti le 15 mars. Il est l'aboutissement artistique de notre parcours, la suite logique de nos deux premiers EPs. Nous avons également tourné dans différents coins de la France, en Suisse et en Allemagne.

Quand avez-vous commencé à travailler sur le nouvel album ?
Ça a commencé il y a longtemps ! J'avais vraiment envie de sortir un album représentatif de notre évolution et des différentes rencontres que j'ai pu faire. A mon retour du Nigeria, en mai 2018, le travail pour finaliser ce disque m'a paru évident, avec un retour aux sources, en y incluant des chansons comme « Fankanda » et « Uwa Shirike ».

Où et quand a-t-il été enregistré ?
L'album a été enregistré à Homely Records, près de Lyon, en fin d'année dernière, avec tous les musiciens du groupe. Sur deux morceaux, nous avons Christopher Reyes à la guitare. Nous avons aussi fait venir Illspokinn, un rappeur américain, sur le titre « Work Everyday ». En bonus, « Overcome » a sa version dub, « Overdub », de Alpha Steppa, avec qui je collabore régulièrement.

Quels thèmes et quels rythmes explorez-vous sur ces neufs morceaux ?
La plupart des morceaux ont un rapport avec le Nigeria et l'Afrique en général. Les thèmes abordés sont vraiment ceux qui me touchent et me parlent, en lien avec mon vécu. Les rythmes oscillent entre le reggae roots et le new roots, le hip hop et la musique traditionnelle igbo. Même si le reggae reste la base de notre musique, j’amène de mon côté cette touche afro, et le soubassophone, qui est utilisé comme basse, amène une touche de la Nouvelle-Orléans. C'est vraiment la rencontre de différents styles.

Où a été prise la photo de la pochette de l’album ?
Au Nigeria, dans le village où a grandi mon père, dans le sud du pays. La photo a été prise par Cynthia Bitar qui réalise également tous nos clips.

Quand avez-vous rencontré Khanti Records ?
Notre claviériste, Raphäel Macler, a joué au Nomade Reggae Festival et y a rencontré Jérôme, qui est à la tête de Khanti Records, par l’intermédiaire de Julie Rudelin, qui travaille à La Tannerie à Bourg-en Bresse. Nous avons commencé à bosser ensemble à la fin de l'année dernière pour la sortie de l’album.

Des dates de concerts sont annoncées pour les prochains mois, et aussi un Dub Tour. Quelle est votre formation en version dub ?
Avec le groupe, nous avons effectivement des dates annoncées pour les prochains mois, avec la première partie de Ziggy Marley au Afrika Tage à Vienne en Autriche le 13 août, et le Plein-les-Watts Festival le 16 août, entre autres. En version dub, je travaille avec Alpha Steppa, avec qui nous avons sorti un album, en septembre 2018, intitulé The Great Elephant. Je suis au chant et lui aux machines. Nous avons aussi quelques belles dates ensemble cet été, comme le No Logo Festival, l'Ostroda en Pologne et le Uprising Reggae à Bratislava !

Quels sont les projets de Nai-Jah pour les prochains mois ?
Nous allons continuer la promotion de Masquerades avec un nouveau clip qui sortira à la rentrée. Nous avons aussi la volonté de sortir le disque en vinyle pour la fin de l'année. Enfin, nous préparons une tournée pour cet automne pour continuer à mettre en avant ce nouvel album roots-afro qui nous tient beaucoup à cœur… A bientôt !

Simba


(pour Reggae Vibes Magazine n°67 - août/septembre 2019)

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